Des textes, où l'on trouve d'étranges échos entre la rue de Grenelle et ses homologues brésiliens.
Trop longs pour être recopiés ici, ici, les textes peuvent être lus intégralement grâce aux liens ci-dessous.
Voici donc quelques extraits de chacun d'eux, auxquels j'ai ajouté deux ou trois réactions à chaud de Laurent Carle, qui apportent des arguments clarificateurs, sur les analyses proposées.

1- Par Philippe Boursier, membre de la Fondation Copernic. Professionnel, technologique ou général : Blanquer veut un lycée à la main du (grand) patronat.
Ce n’est pas une réforme qui frappe aujourd’hui les lycées mais un arsenal de mesures qui s’attaque conjointement à la masse salariale dans le secondaire, aux conditions de travail des personnels, à leur autonomie dans le travail, aux contenus des enseignements, aux lycéens d’origine populaire, au bac en tant que diplôme de premier grade universitaire et à l’accès à l’enseignement supérieur.
La pseudo- consultation confiée à la mission Mathieu l’an passé, ne visait qu’à distraire l’attention du monde enseignant et à légitimer des contre-réformes qui font système et dont l’essentiel figurait dès 2016 dans le livre de Jean-Michel Blanquer l’Ecole de demain. L’ex-responsable de la Direction générale de l’enseignement scolaire sous Nicolas Sarkozy y traçait une feuille de route conforme aux attentes des réseaux technocratiques et libéraux qui enserrent le ministère de l’Education nationale. Conforme également aux intérêts d’un (grand) patronat impatient de réduire l’autonomie du monde enseignant toujours soupçonné d’être un frein à l’apprentissage de la docilité dans les entreprises.(....)
Neutraliser les contenus critiques enseignés pour encourager l’apprentissage de la docilité
La mise au pas des lycées généraux et technologiques, passe aujourd’hui aussi par la refonte des programmes qui encadrent les savoirs qui y sont transmis. Blanquer a demandé au Conseil supérieur des programmes (CSP) de les rédiger pour toutes les disciplines en moins de quatre mois afin de les mettre en application en seconde et en première dès la rentrée 2019. (...)
Dans ses recommandations, le ministre dit clairement que certains savoirs critiques – c’est-à-dire ceux qui permettent de questionner les rapports de pouvoir dans la société – doivent être neutralisés. Ainsi l’enseignement des Sciences économiques et sociales « doit contribuer à l’amélioration de la culture économique des jeunes Français… Il convient de renforcer les approches microéconomiques nécessaire (sic) pour comprendre les mécanismes fondamentaux de l’économie ». Dit autrement, le ministère fait sienne la vision de l’Académie des sciences morales et politiques, une officine liée au Medef, qui depuis longtemps fait un travail de lobbying pour écarter la sociologie (critique), la science politique d’inspiration sociologique et les approches économiques hétérodoxes du programme de SES.

2-Le président Jair Bolsonaro contre le pédagogue Paulo Freire, par Irène Pereira, Philosophe

Le projet éducatif de Jair Bolsonaro a été annoncé pendant la campagne électorale dont il est sorti victorieux dimanche dernier : extirper la philosophie de Paulo Freire des écoles. Interdit pendant la dictature, Freire est accusé d’avoir porté avant le coup d’État de 1964 une politique en faveur de l’alphabétisation et du développement en classe d’une conscience critique. Il est surtout porteur d’une lutte contre les discriminations insupportable à l’extrême droite désormais au pouvoir.(...)
La critique contre l’œuvre de Paulo Freire, ces dernières années, a été portée au Brésil par un mouvement conservateur : l’École sans parti. Son objectif : faire interdire aux enseignants des références aux études de genre et à l’œuvre de Paulo Freire, alors décédé depuis 1997. Ce mouvement dépose des projets de loi à tous les niveaux de l’État fédéral pour tenter de limiter la liberté d’expression des enseignants que la constitution démocratique du Brésil leur garantit au nom du pluralisme.(...)
A partir de son retour au Brésil en 1980, Paulo Freire a mis au centre de sa réflexion dans de nombreux textes ce qui distingue une éducation démocratique d’une éducation « domesticatrice ». Avec toute la finesse qui le caractérise Jair Bolsonaro a déclaré que, s’il était élu, il allait « entrer dans le ministère de l’Education avec un lance-flamme et sortir Paulo Freire de là-dedans » (Déclaration aux chefs d’entreprise à l’Espirito Santo, août 2018).

3- Les réactions à chaud de Laurent.
Bien sûr, Copernic parle des conditions de travail et des situations de souffrance des profs, pas des élèves. Les enfants et ados sont censés être sous anesthésie ou sous euphorisants. La presse parle volontiers des chahuteurs au pistolet factice, jamais des inhibés paralysés par la peur.

« Neutraliser les contenus critiques enseignés pour encourager l’apprentissage de la docilité »
L’enseignement en France ne se dispense-t-il pas selon la règle implicite : « Croyez-moi sur parole ! » ? N’est-ce pas ce que font, certes à leur insu , les enseignants depuis toujours et dès l’école primaire ?
Les savoirs critiques ne s’enseignent pas, la conscience critique s’acquiert par la pratique dès l’école maternelle. Copernic mobilise dans l’urgence pour défendre les intérêts corporatifs du moment, avec une pensée fugace mais inquiète pour «l’apprentissage de la docilité » au lycée ???
La docilité ne s’apprend pas, elle se dresse. La pédagogie de Freire est la même que celle de Freinet. Les moyens diffèrent, le but est le même : former des citoyens autonomes, responsables et solidaires par la pratique quotidienne de la citoyenneté en classe. Si la réforme Jospin avait été adoptée par les corporations en 89, la pédagogie Freire (ou Charmeux) serait la règle dans les classes françaises depuis bientôt 30 ans. L’école serait suffisamment solide et populaire pour résister aux éventuelles attaques. Dans notre école de 2018, portée par la même idéologie du mérite que celle d’avant 89, il suffit de pas grand-chose pour aggraver sa fausse neutralité laïque et sa fonction domesticatrice. Quand on centre les batailles et les esprits sur les intérêts corporatifs, on ne voit pas venir les tempêtes dévastatrices.

4- Appels à nos amis, mais aussi à ceux qui ne le sont pas (ou pas sur tout) :

A votre avis, où est le vrai danger ? Que pouvons-nous faire ? Que devons-nous faire ?

Vos avis, vos propositions, sont nécessaires : on ne peut pas laisser détruire ce qui a eu tant de mal à se laisser construire... Non ?

http://www.fondation-copernic.org/index.php/2018/10/24/lycee-blanquer-le-grand-bond-en-arriere/

https://aoc.media/opinion/2018/11/01/president-jair-bolsonaro-contre-pedagogue-paulo-freire/