D'abord, un grand merci à ceux de nos lecteurs et amis qui ont proposé des réponses, y compris à la dernière question sur les raisons qui peuvent pousser des personnes, pourtant raisonnables à priori, à les choisir, à les défendre, voire à les imposer !
Donc voici les principales réponses que l'on pouvait apporter à ce jeu, dont beaucoup ont été trouvées. Des réponses qui auraient été plus nombreuses encore si, au lieu de ne voir que la présentation, on avait eu à étudier la méthode tout entière (1).
Ce que présente cette présentation de la méthode "Lire avec Léo et Léa", c'est en effet, d'abord, un certain nombre d'erreurs — assurément plus de sept, à elle toute seule.

1- Ça commence fort : dès la troisième ligne, une bourde monumentale, qu'on ne peut guère attribuer à une étourderie, révélant chez les auteures, donc des "spécialistes" de l'enseignement de la lecture, de curieuses ignorances.
C'est une méthode analytique, phonétique...
Si c'était vrai, ce serait une méthode "globale", car ces deux dames semblent ne pas savoir que l'adjectif qui accompagne le mot "méthode", en matière d'apprentissage de la lecture, désigne, non leur "état" plus ou moins en lien avec l'analyse, mais le type de démarche utilisée : "analytique", ici, signifie en effet que la méthode procéderait par analyse des éléments proposés.
Ce n'est en rien le cas : une méthode syllabique s'appuie sur des éléments déjà analysés qu'elle invite à associer. Elle procède donc par synthèse de ces éléments. C'est bien une méthode synthétique.
L'emploi de l'adjectif "analytique" ici est donc des plus inquiétants, de la part de deux spécialistes de la chose.

2- Un peu plus loin dans le texte, on se heurte à un défaut de cohérence dans le choix des écrits proposés aux enfants :
des textes simples(...) qui restent proches du langage des enfants .
Comment, dans ce cas, les enfants vont-ils pouvoir acquérir la connaissance précise du langage écrit, comme cela est affirmé avec force à la fin du texte, s'ils ne lisent que des écrits proches du langage des enfants ?

3- En continuant dans le détail du mode d'emploi, arrive un florilège d'erreurs et de confusions pédagogiques et psychologiques dont voici la première :
Prenez votre temps et n'abordez la leçon suivante que lorsque la précédente est bien assimilée.
Ces dames ignorent de toute évidence la distinction "savoir actif/savoir passif". On a dû oublier de leur dire qu'aucun savoir n'entre jamais directement dans le savoir actif : tout savoir nouveau doit faire un stage, parfois très long, dans le savoir passif, c'est-à-dire, celui des savoirs qu'on est capable de reconnaître, quand on les rencontre, mais qu'on ne peut pas utiliser. D'où l'erreur commise longtemps dans les Ecoles Normales de jadis, d'exiger que toute leçon se termine par une évaluation immédiate : on ne peut évaluer que du savoir actif, impossible, si l'on vient juste de le découvrir...
Ce conseil aboutit en fait à installer un "acharnement pédagogique" qui transforme le travail de classe en cauchemar, en faisant inlassablement recommencer le même travail, jusqu'à ce qu'il soit impeccable, ce qu'il ne peut être pour d'innombrables raisons.

4- Il est dit ensuite : désignez toujours la lettre par le son entendu.
On a envie de dire : "lequel ? " Dans le mot "femme", la lettre "e" s'entend comme un [a] ; dans le mot "cour" la lettre "c" s'entend comme [k]... Et il y en a des quantités d'autres : est-il honnête d'offrir aux petits des clé qui n'ouvrent que les portes déjà ouvertes ?

5- Certaines affirmations sont incompréhensibles :
La couleur rouge signale la fonction de chant de la voyelle qui porte la syllabe.
Jolie phrase, mais qui veut dire quoi ?

6- Lorsqu'on aborde la question de la compréhension, deux affirmations, pour le moins étonnantes, suscitent l'inquiétude :
Demandez toujours à l'enfant de vous manifester qu'il a compris le mot.
La compréhension arriverait-elle toute seule ? Comment ? Par quel miracle ? Et, surtout, que fait-on quand il ne l'a pas compris ?

Il est clair qu'il y a ici confusion entre "reconnaître" un mot et "comprendre" ce qu'on a lu.
Si je rencontre la formule "une figure fractale", je reconnais l'adjectif car je l'ai déjà rencontré ; je peux même dire qu'il appartient au langage mathématique, mais je suis bien incapable de le "comprendre".
Ce qu'on appelle la compréhension n'est jamais immédiat : elle est toujours le résultat d'activités mentales de mise en relation et de raisonnement. Et quand il s'agit d'un mot, il ne peut y avoir de "compréhension", les mots de la langue française étant tous, ou presque, polysémiques, on ne peut à leur sujet que formuler des hypothèses, liées à des contextes divers.

7- Et voici un conseil particulièrement discutable :
Pour guider l'enfant qui déchiffre, utilisez un petit carton et découvrez le mot syllabe, par syllabe.
Ces deux dames ignorent-elles le rôle essentiel de l'anticipation dans l'acte de lire ? N'ont-elles jamais entendu parler du fonctionnement de l'œil et de la perception visuelle ? Ont-elles appliqué pour elles-mêmes, cette forme de supplice qu'est le rétrécissement de l'espace perçu, et l'impossibilité qu'il entraîne de se situer dans cet espace ? Sûrement pas : elles ne ne pourraient pas le supporter.

8- La comparaison avec des méthodes à point de départ global, qui termine la présentation, d'où se dégage évidemment la supériorité de la leur, présente chez nos auteures quelques affirmations à l'emporte-pièce, qui laissent rêveur :
La Méthode propose à l'enfant l'acquisition progressive et méthodique des repères de lecture.
Outre que des repères ne sont efficaces, que si les enfants ont pu les construire eux-mêmes, on voit mal de quels repères il peut s'agir, si ce n'est le fait d'oraliser en déchiffrant, ce qui n'a rien d'un "repère".

9- La phrase suivante me semble particulièrement osée :
L'enfant est actif et encouragé à l'autonomie.
L'activité ici semble plutôt relever de l'obéissance à un guidage... En matière d'autonomie on peut mieux faire.
A noter l'emploi du terme "encouragé" : l'autonomie s'obtient-elle par "encouragement" ?

10- Alors qu'il n'en a pas encore été dit un mot, et qu'au contraire, il a été clairement expliqué que les lettres "muettes" (celles de l'orthographe !) devaient être mises à part, la couleur grise dont elles sont parées permettant de les repérer comme ne méritant aucune attention, il faut un certain toupet pour affirmer que la méthode va leur donner une bonne base orthographique.
Comme la compréhension, l'orthographe doit sans doute arriver par miracle.

Du reste, la toute dernière phrase du texte, est un petit bijou d'assurance gratuite, associant les difficultés pour accéder au sens précis du texte, essentiellement aux inversions et confusions de sons et de lettres... Il est vrai qu'il n'a pas été question d'autre chose...

(1) Pour information, je précise que cette analyse détaillée de la méthode "Lire avec Léo et Léa" figure dans l'ouvrage : "Lire ou déchiffrer ?" (Ed. ESF, 2013, chapitre 2, pages 84 et suivantes).