Je répète et je maintiens : sans qu'aucune faute professionnelle ne puisse lui être reprochée. Il n'en est pas de même de la sanction, que nous sommes en droit de considérer comme l'annonce du plus grand des dangers pour nous tous, — et pas seulement pour les enseignants.







(Photos F. Charmeux, La Dépêche)

Même si pour beaucoup, il ne s'agit que d'un événement mineur, à l'issue légitime après tout, puisque, selon les propos de monsieur Luc Chatel, un fonctionnaire, c'est fait pour obéir, on peut considérer ce qui arrive à Alain Réfalo comme l'une des atteintes aux libertés démocratiques, les plus dangereuses qui soient.
Et, à aucun prix, cela ne doit être considéré comme normal, ou simplement compréhensible.
Certes, comme on le voit sur les photos ci-dessus, le Maire de Toulouse, Pierre Cohen, et beaucoup de Toulousains, — et de non-Toulousains, sur Internet et ailleurs — le soutiennent, mais ce n'est pas assez.
Ce n'est pas seulement à une accusation plus ou moins injuste contre un instituteur que l'on assiste, c'est à une véritable remise en question des principes fondamentaux de la démocratie.
Et c'est sur ce terrain-là qu'il faut se battre ici.

Il faut rappeler d'abord que ce qui est reproché à ce collègue, c'est un refus d'obéissance, manquement au devoir de réserve, incitation à la désobéissance collective et attaque publique contre un fonctionnaire de l'État.

Refus d'obéissance... sur quoi ?
Une certaine manière de pratiquer le "soutien" aux élèves en difficulté, au moment prévu par le pouvoir, et selon les modalités imposées par celui-ci.
On doit noter que le principe de l'aide à fournir aux élèves en difficultés n'a jamais été refusé par personne, et par Alain Réfalo moins que tout autre. Ce qui lui est reproché, c'est donc sa manière de le mettre en application, le refus d'utiliser des moyens imposés.
Or, comme on sait, il existe une différence essentielle entre la démocratie et la dictature, qui recouvre toutes les autres :
* Dans une démocratie, ce qui est imposé par les lois (qui n'ont rien d'arbitraire, ni même d'extérieur à nous, puisqu'elles ont été votées par nos députés et sénateurs, élus par nous, donc par nous !), ce sont les résultats à obtenir, les objectifs. En démocratie, on ne fait pas ce qu'on veut : on a des comptes à rendre sur les résultats. Cela s'appelle, la responsabilité.
En revanche, les moyens d'obtenir ces résultats sont libres. Cela fait partie aussi de la notion de responsabilité.

* Dans une dictature, ce sont les moyens, les pratiques, qui sont imposées — ce qui, au demeurant, dispense de fournir les objectifs qui, de fait, ne regardent pas l'individu lambda.

Impossible, dans ces conditions, de contester que la sanction infligée à notre collègue constitue un absolu déni de démocratie, lequel ajouté aux autres dans les autres domaines ne peut que confirmer des craintes sinistres, qu'il faut à tout prix écarter.
Cela rappelle une évidence —pour quiconque réfléchit un peu — : la différence profonde qui sépare les notions de "responsabilité" et "d'obéissance", absolument incompatibles, sauf à donner n'importe quel sens aux mots.
Je ne peux être tenu responsable si j'ai obéi : c'est là un argument maintes et maintes fois entendu à Nuremberg et dans la plupart des procès de crimes, dits de l'humanité.
Il serait peut-être temps d'en prendre conscience...

D'autre part, — et ceci est la conséquence de cela —, la notion de démocratie inclut nécessairement celle d'éducation à la responsabilité, si bien que installer arbitraire et dictature dans l'école, c'est évidemment tuer dès l'enfance les valeurs de liberté qui la définissent.

Encore une fois, ce n'est pas de pédagogie qu'il est question ici, ni même de l'école. C'est de liberté, de celle pour laquelle tant de grands sont morts, celle que nous avons souvent su défendre au risque de nos vies, et que nous ne devons pas laisser saccager sans réagir.

Tous ensemble.

J'ajoute (cela s'impose !) ce petit passage du beau texte de Philippe Meirieu, passage qui laisse un peu rêveur... :
http://www.meirieu.com/nouveautesblocnotes.htm

L’Éducation nationale peut décider de sanctionner les «désobéisseurs» : cela signifiera qu’elle a renoncé à les convaincre, ce qui n’est guère glorieux dans une démocratie. Elle peut sanctionner les «désobéisseurs» en croyant renforcer son autorité sur les maîtres : elle ne contribuera qu’à figer encore plus le système et à décourager toute dynamique pédagogique. Elle peut sanctionner les «désobéisseurs» pour l’exemple : elle encouragera, alors, les détournements clandestins des textes, programmes et réformes… Mais elle peut aussi s’honorer en faisant la part des choses entre des propos parfois excessifs, d’un côté, et des réflexions et des propositions qui méritent d’être respectées et évaluées, de l’autre. Alain Refalo a déjà largement payé pour les premiers, on attend qu’il soit reconnu pour les secondes