Voici ce dessin


J'y vois en effet une excellente occasion de faire apparaître ce qui n'apparaîtra jamais avec un manuel de lecture, à savoir cette caractéristique très particulière à la langue française, selon laquelle les mots les plus importants dans un texte sont souvent les "petits" mots...
On sait bien, en effet, qu'un mariage en blanc est rarement un mariage blanc, et que faire du feu présente moins de dangers que faire feu. Un verre d'eau n'est pas forcélent un verre à eau, et parler de Sarkosy n'implique pas que l'on parle à Sarkosy.
Or, vous remarquerez que ces petits mots sont joyeusement absents des méthodes et manuels de lecture. Dame ! C'est drôlement difficile de lire ces petits mots, et puis comme ils sont petits, ils n'ont évidemment pas d'importance.
Ne trouvez-vous pas rassurant de voir qu'on trompe ainsi les enfants, sur le fonctionnement véritable de la langue qu'ils doivent maîtriser ? Rassurant qu'on leur donne l'habitude de n'attacher aucune importance à ces mots, seuls comptant les mots pleins que l'on va écrire en listes et apprendre par cœur ?
Et vous vous demandez pourquoi je trouve les méthodes de lecture, syllabiques ou non, tellement dangereuses ? J'attends toujours qu'on me prouve leurs vertus, en matière de langage, comme en matière de lecture !

Le dessin de Pessin, c'est plutôt au cycle 3 que je m'en servirais : c'est là qu'on pourrait aller le plus loin. Mais même au CE1, je suis sûre qu'on pourrait faire découvrir beaucoup de choses.
Il me fait penser au travail que nous avons fait à Toulouse, dans un CP, il y a quelque quinze ans, à partir des affiches de publicité municipales sur la propreté en ville dont deux d'entre elles présentaient les slogans suivants :

* sur une affiche où se pavanaient de merveilleuses poubelles étincelantes de propreté, on pouvait lire: C'EST PROPRE.
* Et à côté, une autre affiche présentait un tas d'immondices répugants, avec la mention :
C'EST DU PROPRE !

Au terme de tout le travail mené sur ces affiches (les enfants ont eu beaucoup de mal à découvrir le petit mot "DU", qu'ils n'avaient même pas vu, dans un premier temps), un petit bouchon de la classe, en guise de conclusion, a déclaré, fort sententieux : "Ben, alors, les petits mots, y sont plus importants que les grands ! Va falloir y faire bien attention quand on va lire ...".

Outre cette importance de la différence "du" et "au", ce dessin peut être l'occasion d'approfondir les stratrégies de construction du sens, en découvrant que ce qu'on comprend n'est souvent pas vraiment dit... On le sait, c'est là une des plus grosses difficultés de l'apprentissage de la lecture, car c'est pratiquement constant dans tout message écrit : lire, c'est être capable de comprendre ce qui n'est pas écrit, à côté de ce qui est écrit. Il importe donc que les enfants découvrent cela le plus tôt possible.

On pourra aussi travailler sur les choix de formulation : quelle différence entre "au travail !" et "au boulot !", et surtout en vertu de quels critères choisira-t-on l'une ou l'autre...

Et quant aux aspects économiques et sociaux qui se cachent là-dessous, personnellement, je ne les éviterais pas... Mais ceci est une autre histoire...!