Bien sûr que si ! Tout le monde veut une telle explication... A condition toutefois, qu'elle ne soit pas trop longue : ça décourage d'avance le lecteur.
Problème : la plupart des écrits importants, dont nous avons à prendre connaissance dans la vie quotidienne, — en dehors, évidemment des lectures de plaisir, dont la longueur n'est souvent qu'un plaisir de plus — sont longs, souvent ennuyeux, et écrits dans une langue austère, nécessaire à lever toute ambiguïté, qu'il s'agisse de contrats (assurance, location,) de textes de lois, de "règlements internes" à un établissement, consignes de travail en classe, aux examens, ou tout autre écrit d'information et de réflexion.
Leur austérité fait qu'en général, ils ne sont lus qu'en survol, juste avant de signer. Ce qui fait courir des risques non négligeables, entraînant de désagréables surprises, catastrophiques parfois, notamment en classe.

Cette lecture inattentive, où à peu près chacun de nous peut se reconnaître, n'est autre que la conséquence des très mauvaises habitudes installées involontairement, mais de façon évidente, par les pratiques d'apprentissage qui, négligeant ces types d'écrits, ne permettent pas d'en découvrir les caractéristique pour les maîtriser.
Inutile ici de se braquer sur telle ou telle querelle de méthodes : toutes les pratiques, même les plus intelligentes, oublient trop souvent les moyens de lever les contradictions qui traversent la maîtrise du lire : savoir associer manque de temps et longueur des textes à lire, vitesse et précision de la lecture.
Or, la tradition scolaire a installé une conduite de lecture, réputée la seule sérieuse et raisonnable, une lecture artificielle, qui ne ressemble pas à celle des lecteurs experts, une lecture plutôt à voix haute, de textes moyens en taille, sans apprentissage spécifique de la lecture de communication orale, qui, au passage, a détruit, chez une bonne partie des enfants, à la fois, la maîtrise de la lecture de travail, et le plaisir de lire, n'ayant rien à voir ni avec l'une, ni avec l'autre.
Certes les enfants "naturellement" lecteurs (on devrait dire plutôt "socialement" : ce serait plus proche de la réalité) qui ont pu construire leur propre rythme de lecture, sont, eux restés sourds aux dictats scolaires, sans confondre lecture des yeux, lecture orale et lecture pour soi.

Malheureusement, ce sont les lectures longues, qui conduisent à la réussite, à l'école comme ailleurs. Or, on sait que, pour les élèves, la principale difficulté, c'est justement la longueur des textes : les habitudes d'apprentissage premier se bornant, en général, à des écrits courts, persuadés que la longueur a tout son temps pour arriver plus tard.
C'est là, sans conteste, un raisonnement désastreux. En pédagogie, la maîtrise à atteindre, donc le résultat, doit être visé dès le début, sans objectif intermédiaire : dans le cas contraire, on trompe les enfants, et on double pour eux la difficulté.
L'objectif prioritaire est donc que chacun des élèves devienne, avant l'entrée au collège, un lecteur performant en précision, et que la longueur des textes ne décourage pas.
Il faut savoir que, pour progresser, l'enfant, comme n'importe quel adulte, a besoin de savoir d'emblée quelles difficultés il a à surmonter ; mais il faut qu'il sache, en même temps, que l'aide n'est pas loin et qu'il n'est pas abandonné.
L'erreur souvent commise par les adultes, c'est de confondre "autonomie" et "abandon". Donc, avoir à lire, seul, des textes de longueurs diverses, y compris très longs, ne sera jamais une épreuve insurmontable, pour un enfant, comme pour un adulte, s'il a de l'aide à portée de main. Je dis bien "à portée de main" : il ne s'agit pas d'aide accompagnante, dont on n'a pas besoin quand on se lance. Mais proche et accessible, c'est indispensable pour tenir la longueur.

Question : quelle(s) aide(s) ?

Évidemment, toutes celles que la classe peut présenter, et notamment, celle des camarades.
Mais en amont — et c'est la tâche de l'enseignant — le premier type d'aide qui doit exister, c'est un travail de découvertes de stratégies possibles, autour de la question : "comment s'y prendre pour entrer facilement dans la lecture de ce long texte ?"
Je pense que, très vite, en observant un tel type de texte, les enfants vont découvrir que l'approche n'est pas la même que pour un texte court : en particulier, qu'il est préférable d'éviter de se lancer tout de suite dans une lecture linéaire. Qu'il faut d'abord l'explorer en entier, pour repérer ses caractéristiques : le nombre de paragraphes, les découpages possibles qui apparaissent, les divers paragraphes, avec les éventuels sous-titres de chacun, qui donnent déjà une petite idée des contenus.
Qu'il est aussi utile de lire de façon précise le dernier de ces paragraphes, en repérant bien le ton des contenus et le type de vocabulaire utilisé (technique, poétique, humoristique etc.), car cela permet de formuler des hypothèses sur le contenu, et de bien motiver la lecture du détail.
Il faut savoir que personne — et surtout pas les élèves ! — n'entre facilement dans un texte long, sans avoir fait ce travail d'approche préalable.
Du reste, quand il s'agit d'un livre entier encore non lu, on sait bien qu'aucun lecteur n'en commence la lecture à la page 1 : pour tout le monde, le premier geste devant un ouvrage nouveau, est de le feuilleter jusqu'au bout, de voir s'il y a une table des matières et s'y plonger, si c'est le cas.
Tout comme on a besoin, dans un lieu inconnu, de pouvoir s'orienter avec une carte qui présente la totalité du parcours, on a besoin de savoir où l'on est et où l'on va, dans un ouvrage qu'on ouvre pour la première fois.

En fait, on a ici confirmation du fait qu'une tâche difficile doit être abordée en pleine connaissance de cause, car, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, il faut pouvoir anticiper pour être performant.
Avant donc de se lancer avec un soupir de découragement dans une lecture pénible (elle ne servirait à rien !), il faut la préparer, et SE préparer, à un travail évidemment payant, puisque l'on a appris à le maîtriser.

On parle souvent du plaisir de lire. Personnellement je trouve plus grand encore, le plaisir d'avoir lu.
C'est celui qui donne envie de relire encore et encore...
Oui, lire, c'est relire...