Quoi qu'il en soit, il est incontestable que nous professeurs, et autres personnels chargés de l'éducation des élèves, nous nous heurtons, en dépit de nos efforts, à d'insurmontables difficultés, dès qu'il s'agit d'aider nos élèves à surmonter les leurs.
D'où l'intérêt d'études sur cette question.
Précisément, vient d'être publié un gros rapport de l'IGER (Inspection générale de l'Éducation et de la Recherche) portant sur l'illettrisme, et les moyens de le prévenir et d'y remédier. Un rapport dont la lecture laisse rêveur.
Certes, il n'évoque que l'illettrisme, qui est, à la fois, bien plus qu'une "difficulté", tout en n'en concernant qu'un seul type. Mais ce qui est intéressant ici, ce sont les remèdes proposés, applicables à toutes les formes qu'elles peuvent prendre chez les élèves.

Les solutions de l'IGER

Elles sont d'un désolant classicisme, et réunissent les principales erreurs, commises de tout temps, sur ce sujet. Outre que sont envisagées uniquement des solutions individuelles pour les élèves, on observe que ceux-ci, en tant que tels, sont totalement absents : seuls les enseignants auraient à agir ; les élève y sont comme des pions qu'on déplace...
Et voici la première proposition : "Tester scrupuleusement, identifier finement la difficulté, et la traiter dans l’instant".
Surtout pas !
Pourquoi ?
Parce que analyser la difficulté, c'est partir sur le négatif, et c'est lui donner une consistance dont on ne se débarrassera jamais.
Surtout, c'est aggraver, chez l'élève, en la rendant publique, la culpabilité d'être en difficulté, et son sentiment d'être inférieur aux autres, à ceux qui n'ont pas ces difficultés : d'emblée, il est enfermé dans cette infériorité, où il ne peut que s'enfoncer.

La fin de la phrase est encore plus grave : "la traiter dans l'instant"!
Ça veut dire quoi ? On va chercher un antiseptique ? On va vacciner l'élève ? Cette assimilation des difficultés d'élèves à des maladies est une des gangrènes qui tuent le travail éducatif. N'avoir pas compris comment s'additionnent les fractions ou comment s'effectue l'accord du participe passé avec avoir, cela n'a rien — absolument rien — à voir avec une maladie.

Que faire alors ?

Oublier la difficulté, sans jugement, ni (encore moins) reproches.
On ne rappellera jamais assez cette évidence, constamment oubliée, que les élèves, étant là pour apprendre, ont le droit de ne pas savoir. En aucun cas, ni l'ignorance, ni l'oubli, n'ont à être sanctionnés, rappelant cette autre évidence, que c'est en se trompant, qu'on avance. L'erreur est au cœur des apprentissages.
On doit commencer par constater que ça n'a pas marché : on a abouti à une solution erronée. Normal !!
Ensuite, on va analyser le démarche utilisée, pour la définir clairement et pouvoir mettre les élèves en situation d'expérimentation d'autres stratégies, diverses : celle des autres, mais pas seulement, il faut aussi en imaginer de nouvelles. Ici, cela va de soi, le travail de groupe est indispensable.
Comme il faut, pour les élèves "en difficulté", rendre possible, de l'intérieur d'eux-mêmes, une évolution de leur façon de faire (construire son savoir, c'est être l'auteur de sa propre évolution), la présence des pairs est une aide indispensable.
C'est avec les pairs qu'on va pouvoir analyser ensemble, dans le groupe d'abord, puis en grand groupe avec l'enseignant, à partir des rapports de chaque groupe et des remarques notées, les stratégies expérimentées : apprendre, et rectifier un apprentissage mal engagé, c'est le même processus.
Certes, toutes les erreurs ne sont pas des erreurs de stratégie : il y a aussi des erreurs d'interprétation, que ce soit dans le texte à travailler ou dans la consigne de travail. La voie pour apprendre à rectifier ce genre d'erreur, c'est la reformulation de passage mal interprété : et ici, comme ailleurs, le travail de groupe de pairs est indispensable.

On voit ainsi comment les prétendues "difficultés des élèves", deviennent de puissants appuis de travail et d'apprentissage. Loin d'être ce qui gêne, dans le travail de l'enseignant, c'est au contraire ce qui le nourrit : c'est avec elles qu'il avance.
Puisqu'ils sont là pour apprendre ce qu'ils ne savent pas encore, et que c'est loin d'être facile, tous les élèves sont potentiellement "en difficulté" : il n'y a aucune raison d'en faire un groupe à part ! Et s'ils travaillent en petits groupes, ceux qui ont du mal à comprendre ou à faire, l'enseignant ne les voit pas.
Problème c'est souvent ce qui l'ennuie, car il aime bien tout savoir.
Mais il a tort : tout ne le regarde pas.
Si la classe vit comme un grand groupe, constitué de petits groupes, variables, mais unis dans un même objectif commun, la réussite de chacun d'eux, l'enseignant devient le chef d'un bel orchestre, sans avoir besoin de vérifier lui-même les instruments de chaque musicien. L'essentiel, c'est que le morceau soit bien joué et que tout le monde en ait éprouvé du plaisir.

Vous savez, c'est difficile de bien jouer la musique. Mais la difficulté n'a rien d'incompatible avec le plaisir. D'aucuns diront même : AU CONTRAIRE !