Évidemment, comme l'a déduit David : cela voulait dire qu'elle le faisait lire à voix haute.
Vous me direz : "Et alors ? "
Eh bien, en agissant ainsi, cette maman qui, à l'instar de beaucoup d'autres et de presque tous les enseignants, veut bien faire, réussit, sans le savoir, à casser l'essentiel de son travail, quelque intéressant qu'il soit en apparence, et met en danger le savoir-lire de son petit.
En dépit des propos officiels, ce qu'elle lui fait faire n'est ni de la LECTURE, ni de la LECTURE À HAUTE VOIX.

Voyons ! C'est ce qu'on a toujours fait !
Hélas oui !!

Décidément, les idées reçues sont plus solides que les preuves, pourtant solides et maintes fois rappelées depuis les années 90. Alors il faut le redire une fois de plus .
Au CP, "lire à haute voix" est chose impossible : c'est une activité sans rapport avec les possibilités d'un enfant de cet âge, et qui n'a rien à voir avec la prononciation orale de ce qu'on a sous les yeux.
Mais même après, au CM, aider en lecture ne peut en aucun cas se faire avec de la lecture à haute voix : c'est comme si on faisait faire des claquettes à un enfant pour l'aider à marcher !
Quant à prétendre que ce savoir-lire à haute voix se résume à "mettre le ton" (?? Le quel et pourquoi ?), ou à respecter la ponctuation (Pourquoi ?), il faut savoir qu'on est très très loin du compte.

Lire à haute voix, c'est une activité de communication orale, par laquelle on présente à d'autres (qui le souhaitent, sinon, on ne le fait pas !) sa propre lecture d'un texte.

Il faut donc avoir lu le texte AVANT, (et donc savoir parfaitement lire !) et avoir un projet de communication orale : vouloir informer les autres, les émouvoir, les amuser, les indigner, etc. avec ce texte.
Que ce soit difficile est évident : même cultivés, les adultes, qui s'y essaient, le font généralement très mal, le nez dans leurs notes et sans regarder les auditeurs. Normal : quand le leur a-t-on appris ?
Et quand on demande à des petits de le faire, ils font ce qu'ils peuvent : essayer de prononcer au fur et à mesure qu'ils les identifient, les syllabes et les mots qu'ils ont sous les yeux. Ils oralisent, et ça n'a aucun rapport avec la lecture.

Comment peut-on commettre une confusion si grave qui consiste à donner le même nom à l'action hésitante du petit CP lisant "mamie a fumé", et à ce que fait Fabrice Lucchini proposant sa lecture des fables de La Fontaine ?
La différence est pourtant bien visible : rien dans le comportement des deux "disants", n'est semblable.

Le premier a les yeux rivés sur le livre, et sa parole est soutenue et bloquée sur son doigt qui suit, en les désignant, chacune des syllabes prononcées.
Le second regarde ses auditeurs, se contentant jeter, de temps en temps, un rapide coup d'œil sur le livre qu'il tient à la main.
La parole du premier est hachée : il reprend sa respiration après chaque syllabe, parfois, après chaque mot, ce qui, pour ceux qui écoutent, détourne complètement du sens éventuel que pourraient avoir les mots prononcés.
Au contraire, la parole du second est fluide ; elle suit les groupes phoniques, comme s'il s'agissait d'une conversation. Les auditeurs écoutent en regardant le comédien, et réagissent au texte dit : ils rient, sont émus, ils partagent avec lui des significations que sa parole éclaire.
On est dans une communication artistique de plaisir partagé.
Au CP, cette situation tout autre : c'est une situation de contrôle scolaire.

Et ce qu'on oblige l'enfant à faire, a pour effet de lui donner de très mauvaises habitudes, à la fois, de lecture et de lecture à voix haute, dont il aura bien du mal à se débarrasser.
Plus tard, alors qu'il est en train de l'apprendre, confondre avec lui, lecture et lecture à haute voix, c'est handicaper doublement la maîtrise de l'une et de l'autre : l'enfermer dans l'oralisation, c'est mettre en difficulté les opérations mentales nécessaires à la compréhension, et c'est aussi handicaper l'acquisition d'un véritable "savoir-lire à haute voix".
Entre oralisation et lecture à haute voix, le seul point commun, c'est la haute voix.
Encore est-elle fort différente pour l'un et l'autre.

N'est-il pas curieux, tout de même, que tant de différences puissent être effacées par un seul petit détail commun, — et qui ne l'est même pas totalement ! Comment expliquer cela ?
C'est chez ceux qui, après Saussure, ont approfondi ses propos, qu'on peut trouver des éléments de réponse. Ils nous ont fait découvrir, en effet, qu'apprendre, c'est d'abord découvrir des différences, là où l'on n'en voyait pas auparavant. Ce qui fait de l'amalgame, le premier indicateur d'ignorance : quand on ne sait pas grand-chose d'un domaine, on trouve que tout y est semblable.
C'est quand on s'est mis à réfléchir, à observer au lieu de regarder, à analyser, à dépasser l'impression première, toujours appauvrie par les a-priori, qu'on commence à percevoir des différences, qui éclairent la compréhension — et, chose passionnante, on découvre alors seulement les vraies ressemblances, que camouflaient celles qu'on a vues en premier, et qui sont, la plupart du temps, très secondaires.

Lire à haute voix demande, on s'en doute, un long apprentissage, qui ne peut commencer qu'à la fin de CE1, quand l'autonomie de lecture est installée, et qui va occuper toute la scolarité primaire. C'est en effet au collège que les enfants vont commencer à avoir besoin de savoir bien lire à haute voix : on va le leur demander souvent — mais les quatre années du collège sont nécessaires pour la peaufiner.

Force est donc d'admettre que notre équipe ministérielle, qui surfe sur cette confusion, donne des ordres, en oubliant l'essentiel, dans un domaine où apprentissage, réflexion et connaissances, semblent bien lui avoir fait grandement défaut.

Etonnant, non ? dirait Desproges...