Voici le récit de Julos.

Hier après-midi, j'ai vécu une séquence qui m'a mis mal à l'aise, à tel point que je ne vois que l'écriture d'un texte en partage pour apaiser mon malaise. Mon épouse a dû subir une intervention chirurgicale un peu compliquée chez un dentiste spécialisé. L'ayant accompagnée dans un quartier chic de Paris, j'ai attendu en salle d'attente durant deux heures. Voici le récit de ce qui m'a tourmenté. A notre arrivée, cinq personnes, dont un homme, patientent... Toutes les 5 sont rivées sur leur smartphone. Mon épouse et moi sortons un livre.
Arrivent une jeune femme et ses deux enfants, Timothée 5 ans, son frère bientôt 4 ans. A peine libérés de leur manteau, les deux enfants se précipitent sur le smartphone de leur mère et commencent à jouer tandis qu'elle feuillette un magazine. Peu à peu les adultes sont invités à entrer en consultation tandis que d'autres les remplacent dans la salle... à peine assis ils dégainent tous le smartphone ! Les minutes passent, le smartphone tombe sur le plancher, une fois, deux fois, à la troisième la maman râle un peu, remet le téléphone dans la poche de son manteau et emmène sa tribu... aux toilettes. Les deux enfants reviennent, seuls, leur mère ayant été appelé par son praticien. L'aîné se précipite tout droit sur le téléphone qui dépasse de la poche du manteau.

Arrive la secrétaire qui gère les rendez-vous et les arrivées dans le couloir. "Vous avez le droit d'utiliser ce téléphone ?" demande-t-elle. Les enfants répondant par l'affirmative, je me permets d'intervenir en leur rappelant ce que leur mère a dit lorsqu'elle a rangé l'appareil. "Bon. Tenez-vous tranquilles hein ! Vous voulez un livre ?" demande la géniale secrétaire. Elle revient avec un album d'Yvan Pommaux "Une nuit un chat". Je ne résiste qu'une demi-seconde : "Vous voulez que je vous le lise ? Je connais bien cette histoire !" Me voici installé entre les deux petits et c'est parti.
"Tous les parents chats attendent avec angoisse la nuit où leur enfant sort pour la première fois seul..." Les deux enfants n'en perdent pas une miette, ouvrent de grands yeux, me regardent parfois, posent une question sur un mot bizarre, font une remarque sur l'affreux rat d'égoût... Bref, nous prenons notre pied, eux comme moi.
Une fois terminée "l'animation", Timothée rapporte l'album à la secrétaire. Je reprends ma place et mon roman, Lucas s'approche. Je lui montre les pages de mon livre :" Tu vois, il n'y a que des mots écrits, pas d'images !" Il me regarde, perplexe. "Tu as envie d'apprendre à lire toi ?" ... La maman revient. "Le monsieur a raconté une histoire !" "Ah c'est bien ! Vous avez dit merci au monsieur ?"

Pendant ce temps, les allées et venues se sont poursuivies dans la salle d'attente, et les consultations de téléphone aussi bien sûr. Au total, une bonne dizaine d'adultes ont passé plusieurs longues minutes sur leur chaise, pas une seule n'a pris un magazine et encore moins sorti un livre.
Bien sûr, j'ai pleinement conscience d'avoir somme toute "accompli une bonne action", ponctuellement, mais c'est cette addiction naissante que j'ai perçu chez ces deux petits (5 et 4 ans !), l'insouciance de cette jeune maman qui semble n'avoir privé ses enfants du téléphone que parce qu'ils le faisaient tomber et risquaient de l'abîmer, qui me chagrine et m'inquiète. Et ses enfants alors ? Elle ne les "abîme" pas ?

Quant aux autres adultes, je ressens déjà la même gêne quand je prends le métro, mais là, deux heures, dans cet espace réduit à quelques mètres carrés... brrrr... Je n'ose imaginer ce que ces adultes, probablement parents, apportent à leurs enfants en terme de culture de l'écrit.

Et, pour couronner le tout, la vidéo de David :

https://www.youtube.com/watch?v=uEwWQSidsXw

Merci de nous aider à y réfléchir !