On pourrait commencer par lui conseiller de jeter un œil sur le site de Philippe Meirieu, qui énumère dans une liste ébouriffante, agrémentée de films, tous les travaux menés depuis le seizième siècle, sur la manière de faire la classe :
http://www.meirieu.com/EDUCATION%20EN%20QUESTION/l_education_en_questions.htm

On pourrait ensuite l'informer qu'un affreux "pédagogiste", du nom de Bernard Devanne, qui mène depuis des années un travail remarquable en maternelle et au cycle 2, notamment en lecture, lui a adressé une lettre où il met en lumière quelques données essentielles de sa longue expérience d'enseignant-formateur-chercheur-et-trouveur, qui pourrait lui souffler quelques idées sur le passage de la théorie à la pratique.
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/02/21022018Article636547976306991225.aspx.

On pourrait enfin — et il me semble qu'on le doit, puisque tout le monde l'a oublié — lui rappeler qu'une recherche, nationale, démocratique en diable, et d'une absolue rigueur scientifique, a été conduite dans des classes, avec des instituteurs, durant presque cinq années, entre 1966 et 1971 ; qu'elle a abouti à un volumineux rapport, intitulé "Plan de rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire". Il est vrai que ce Plan, agréé par le Ministre de l'époque, Olivier Guichard, s'est trouvé mis au panier — en même temps que le ministre, qui paya de son poste son agrément — et sans concertation ni discussion avec les auteurs, par un certain Pompidou, récent Président de la République, qui avait sans doute des comptes à régler (avec qui ? Devinez.).

En profiter pour lui faire remarquer que la pédagogie étant une science humaine — elle met en jeu des êtres humains, qui ne s'étudient pas comme des molécules — le laboratoire n'est peut-être pas le meilleur bureau d'étude : il peut aider à repérer des éléments jouant éventuellement un rôle dans ce qui se passe en classe, mais certainement pas à définir comment y mener un travail d'apprentissage.
C'est évidemment sur le terrain, que la recherche doit être menée, et avec ceux qui vont y travailler.
A l'époque que j'évoque, un modèle de recherche pédagogique, tout à fait nouveau, une recherche-action, a été conçu et mis au point par l'équipe qui accompagnait Hélène Romian, chargée d'organiser cette recherche officielle. Modèle, hélas, qui n'en fut plus jamais un pour personne : très vite fermement freiné financièrement après 1971, puis, arrêté net par un ministre de gauche, en 85.
Depuis, il est de bon ton de ricaner sur le terme de "recherche-action". C'est pourtant la seule recherche cohérente avec ce qu'est la pédagogie.

Petite histoire d'une recherche pédagogique, digne de ce nom

Lancée dès 1966, par un Ministre, outré de voir tant d'échecs à l'école primaire, notamment en lecture, sa naissance effective est le fruit d'une idée géniale d'un Inspecteur Général,— Rouchette était son nom— chargé d'organiser une commission pour rédiger de nouveaux programmes de français, qui a osé demander que ces nouveaux programmes soient expérimentés avant d'être proposés aux enseignants. Magnifique idée, rapidement oubliée pour les programmes qui ont suivi.
C'est cette expérimentation qui permit la naissance et la théorisation d'un véritable travail de recherche pédagogique.

Un appel d'offres avait été lancé aux écoles normales et aux circonscriptions d'IEN. Quatre-vingt quinze équipes, venues de toutes les académies de France répondirent à l'appel : elles étaient constituées d'instituteurs avec leur classe, d'inspecteurs, de conseillers pédagogiques, de professeurs d'École Normale. Elles avaient pour mission de mettre en œuvre le texte produit par la commission Rouchette, le fameux "plan Rouchette".
Dans l'enthousiasme de cette époque, où s'ouvraient toutes sortes d'espoirs nouveaux, les équipes commencèrent à travailler autrement, en équipes, se mirent à échanger sur ce qui se passait dans leurs classe, à en discuter avec les professeurs formateurs, les IEN et les conseillers, et de ces échanges surgit un énorme amas de rapports, de retranscriptions de séances analysées, de commentaires, de suggestions et toute une série de questions.
Où l'on voit que la recherche peut devenir formation...

Des séminaires, auxquels participaient TOUS les membres des équipes furent alors organisés, avec des chercheurs universitaires dans les disciplines concernées, psychologie, linguistique, psycholinguistique, littérature, grammaire, lexique, français langue étrangère, sciences de l'éducation... plus tard, arrivèrent les chercheurs en sociologie du langage et en linguistique sociale.
Il faut dire que, parallèlement, une formation continuée(1) était en place, permettant des passerelles entre la recherche et la formation, ce qui enrichissait encore le travail de cette recherche, tout en donnant de la consistance à la formation.
Cela ne dura pas très longtemps : on en devine aisément les nombreuses raisons.

Mais le modèle ainsi créé s'est révélé extrêmement riche, parfaitement adapté au domaine de la pédagogie : faire classe, c'est une action qui s'effectue en interactions diverses et en tout sens, qui ne peut être observée, et étudiée qu'en vraie grandeur, et sur le terrain.
Certes, le point de départ ne peut être qu'une hypothèse de chercheur universitaire, seul capable de la justifier scientifiquement : ce peut être un texte, des propositions pédagogiques, un constat scientifique dont les retombées pédagogiques sont à observer, etc. Mais c'est par le praticien que l'expérimentation doit être menée, et non par le chercheur, qui, ne connaissant pas le terrain, n'est pas à même de la faire vivre. Il est là en conseiller mais n'a pas à agir. Face à des enfants, qui ne doivent jamais être des cobayes, on n'a pas à APPLIQUER des directives scientifiques : on vérifie une hypothèse. C'est très différent.
La pédagogie a besoin de la Science, mais elle n'y est pas soumise : elle s'en nourrit, et s'en sert en fonction de ses besoins, et seulement en fonction d'eux.

Donc, bien avant que le "résultat" ne soit à observer et/ou à comptabiliser, ce qui importe, c'est ce qui se passe PENDANT l'expérimentation, et comment l'expérience a été vécue par les PARTENAIRES que sont les élèves. Il se trouve, en effet, que leurs réactions viennent alors (toujours) modifier plus ou moins l'hypothèse préalable, qui remonte alors vers le chercheur : ces remarques l'aident à avancer dans sa compréhension des phénomènes. Une recherche-action, c'est un aller-retour constant entre l'analyse de ce qui se passe et sa théorisation.
On est loin du travail de labo : ici la "base" est aussi importante que le chercheur, et les apprentissages fonctionnent à chaque niveau.
Il faut aussi que cette expérimentation soit plurielle, quant aux lieux, aux contextes et aux acteurs, pour que puissent apparaître tous les paramètres des réalités diverses. Le but visé, en effet, est de dépasser "le comment faire", la "méthode", pour atteindre le comment construire le comment faire. Tant qu'on reste au "comment faire", on n'apporte aucune solution pérenne. Un certain Descartes l'a clairement fait comprendre dans son fameux "Discours".
On n'est donc pas là, pour trouver la "bonne" méthode, qui sera valable pour tous les cerveaux de France, de Navarre et d'ailleurs, objectif infantile, qui révèle la profonde ignorance de ceux qui l'affichent. On est là pour comprendre comment on doit s'y prendre, pour reconstruire, chaque année, la démarche dont les enfants futurs auront besoin pour réussir dans leur vie.

Pour parodier un proverbe de Chine (ou d'ailleurs) : "Si tu donnes une méthode à un enseignant qui a soif de faire réussir tous ses élèves, il sera déçu, car elle ne conviendra jamais à tous — même si leur cerveau est prétendument le même : la personne qui est en dessous est unique ! Mais si tu lui apprends à les construire en fonction des élèves, il te remerciera".

Merci, Louis Legrand, Hélène Romian et l'INRP des années 70...

(1) Petite précision de vocabulaire : les stages de formation qui arrivent après la formation initiale, ne peuvent pas être une "formation CONTINUE", comme on le dit toujours sans réfléchir à ce qu'on dit : les collègues ne sont pas continument en stage ! Ce ne peut être qu'une formation CONTINUÉE. CQFD.