Je dis bien qu'on évalue le travail accompli. Je n'ai pas dit : que l'on juge les élèves, ou qu'on contrôle ce qu'ils ont retenu de la leçon, différence que L.C. éclaire si nettement dans son dernier commentaire.
Contrôler ce que les élèves ont retenu de la leçon, c'est du reste inutile : on le verra bien dans leur travail à venir. Pas besoin de perdre un temps si précieux à faire un travail policier, sans rapport avec les tâches qui sont allouées aux enseignants.
En revanche, on a besoin, en tant que responsables des progrès de nos élèves, de savoir si nous avons été efficaces. De même, les élèves ont besoin de savoir où ils en sont de leurs savoirs. Ces deux besoins portent le nom d'évaluation.

Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire à diverses reprises, évaluer le travail scolaire, c'est mesurer des progrès. Ce qui, au passage, requiert qu'on sache où en étaient les élèves avant qu'on ait travaillé avec eux : sans évaluation de départ, il ne peut y avoir aucune évaluation d'arrivée !
Donc évaluer, cela veut dire :
1- Avoir mis en place la fameuse "clarté cognitive" pour les petits, que Jacques Fijalkow a si bien définie, il y a déjà pas mal de temps, c'est-à-dire avoir clarifié avec les enfants le projet dans lequel ils sont embarqués : qu'ont-ils à apprendre et pourquoi.
2- Avoir, comme LC le rappelle dans son commentaire, débarrassé l"ambiance de la classe de tout stress et de toute contrainte à la réussite : les enfants savent qu'ils sont là pour apprendre, qu'il est normal qu'ils ne sachent pas ou qu'ils ne comprennent pas tout de suite ce qu'ils ont à apprendre, qu'ils ont le droit de se tromper, et qu'on va les aider à s'en sortir.
3- Avoir organisé avec les enfants l'articulation entre les moments de travail et les moments d'évaluation de leurs savoirs nouveaux, et avoir défini avec eux les modalités de cette évaluation : on n'évalue pas pendant qu'on travaille.
4- Avoir notamment défini les moments où elle aura lieu et les les critères qui serviront à mesurer les progrès accomplis : quels aspects sont importants, et pourquoi.
5- savoir que les résultats seront suivis d'une régulation collective dont l'objectif est de définir des modifications de la manière de travailler. Si l'évaluation révèle que l'on n'a pas vraiment fait de progrès, cela voudra dire qu'il faut changer la manière de travailler.
Une évaluation, c'est fait pour réajuster le travail, et non pour juger ou, ce qui est encore pire, pour classer les élèves. Les élèves n'ont pas à se situer les uns par rapport aux autres, mais par rapport à ce qu'ils étaient la veille.

N'oublions jamais que ce qui cause les échecs, ce n'est pas le manque d'efforts des élèves, c'est l'inadaptation du travail d'enseignement à la "zone proximale" des élèves, cette zone proche de leurs savoirs (pour qu'ils puissent rentrer dans ce qu'on leur fait faire) et un peu au-dessus, (pour qu'ils progressent).
C'est pourquoi une évaluation n'est jamais celle des élèves, mais celle du travail d'enseignement.

Il est facile de comprendre — et pourtant, ils sont apparemment nombreux à ne pas y parvenir ! — qu'aucune note ne peut donner ces informations. Largement pifométriques — surtout en français, mais les études de docimologie démontrent qu'il en est de même dans les autres disciplines — elles traduisent essentiellement l'humeur du correcteur, ses allergies, ses agacements, ses ravissements, et l'état de ses douleurs d'estomac.

Je veux bien qu'on discute des nécessités administratives du collège ou du lycée — encore que, comme C. Charbonnel, je pense que le problème n'est pas si différent à ces niveaux-là — mais à l'école primaire, elles ne servent vraiment à rien, qu'à tromper les parents avec des infos données par un thermomètre non étalonné et qu'on lit en fonction de ses humeurs.

Il est facile d'informer les parents autrement, de façon plus précise, par les comptes-rendus des séances de régulation qui accompagnent chaque moment d'évaluation formative, par des opérations "portes ouvertes", par des films tournés en classe, où ils peuvent voir leurs enfants travailler (et non voir un enseignant faire son show de cours magistral), etc..
Cela a déjà été fait, avec bonheur, et depuis longtemps, chez des gens venus de Freinet ou de l'INRP. Cela peut être vérifié dans leurs publications.
Qu'attend-on pour s'en informer ??
Qu'attend-on pour faire disparaître cette caricature de mathématiques, qui trompe tout le monde ?
Et si l'on objecte de certains enfants voient dans le désir d'une bonne note un moyen d'encourager leur travail, comment tous nos obsédés d'une formation morale de haut niveau peuvent-ils s'accommoder d'une telle motivation, immorale au plus haut point ?
Il est vrai que, dans une société où la perspective d'une récompense est présentée comme la solution miracle à la démotivation, celle d'une punition, comme la meilleure dissuasion aux désobéissances, que peut signifier l'expression "éducation morale" ?
"On vit une époque formidable" disait Reiser, qui savait ce qu'il disait...

Et si vous n'êtes pas convaincus aller faire un tour sur le site de Charles Pepinster : http://www.panote.org