Question de bon sens...
Par Eveline, dimanche 11 juillet 2010 à 12:33 :: Education, Ecole et Pédagogie :: #151 :: rss
Comme il importe que nous sachions entretenir nos petites cellules grises, même en période de vacances... et ce, d'autant plus que la rentrée risque d'avoir besoin de nos forces et même de quelques sous d'intelligence de notre part, je viens vous offrir, pour ces vacances, quelques petits sujets de réflexion... sur l'école.
Si l'affirmation du grand René (Descartes, bien sûr) reste à voir, selon laquelle le bon sens serait la chose du monde la mieux partagée, ce qui est certain, c'est qu'il y a une énorme exception à cette règle : l'école...
Si l'affirmation du grand René (Descartes, bien sûr) reste à voir, selon laquelle le bon sens serait la chose du monde la mieux partagée, ce qui est certain, c'est qu'il y a une énorme exception à cette règle : l'école...
Notre merveilleux ministre ayant prévu une session de recrutement des futurs enseignants en septembre, beaucoup de candidats demandent à être aidés dans leur préparation à cette session. Donc je corrige ces jours-ci de nombreuses copies qui tentent de s'entraîner à répondre aux types de questions prévues par le nouveau concours, parmi elles, des questions de grammaire, vocabulaire et orthographe, — tout ce qu'il y a de classique — superbe occasion de voir ce que l'école a laissé, sur ces sujets, dans les souvenirs de ces candidats...
Et le résultat est effarant.
Un exemple me semble grave, que je livre à votre réflexion... Et que l'on vienne pas dire que c'est le résultat des élucubrations pédagogistes : je suis sûre que les moins jeunes d'entre nous vont y retrouver, comme moi, toute leur jeunesse. Il a fait remonter à ma mémoire tous les souvenirs scolaires de mon enfance, de ceux que je retrouve tels quels dans bon nombre de classes d'aujourd'hui.
L'une des questions demandait que fût justifiée l'orthographe des participes passés d'un des textes.
Comme un seul homme, mes candidat(e)s m'ont proposé la réponse suivante, surprenante dans son laconisme :
"le COD étant placé après, il n'y a pas d'accord".
??!!
Et dire que ce sont les pédagogues que l'on accuse de jargonner...!
Certes, chacun sait bien qu'au G20, il n'y a pas eu d'accord, ce qui est bien triste...
Ce serait la même chose pour le participe passé ?
Sortant du désarroi que ce constat provoque, on est amené à se poser des questions :
* COD : qu'es aquo ? Et COD de quoi ?
* "étant placé après"... Après quoi ?
* Et pourquoi la place du COD jouerait un rôle dans cette histoire ?
* "il n'y a pas d'accord"... accord avec quoi ?
* Et à quoi ça se voit, qu'il n'y a pas d'accord ?
* Et surtout, en quoi, le fait de dire ce qu'il n'y a pas constitue-t-il une réponse à la question de savoir pourquoi le participe s'écrit comme il s'écrit à cet endroit du texte ?
Si l'on doit dire tout ce qu'il n'y a pas... comme on dit familièrement, on n'est pas sorti de l'auberge.
Comment peut-on en arriver à ce point de non sens ? Vous me direz que c'est ce que nous avons tous appris, à travers cette formule, imbécile parmi les plus imbéciles, et que ce n'est pas si grave : on comprend bien ce qu'on veut dire quand même...
Justement pas.
Et le fait que certains me rétorquent ceci est sans doute la chose la plus affligeante que l'on puisse imaginer. Cela veut dire que ces formules absurdes ont complètement endormi le cerveau, au point qu'ils ne voient même plus l'absurdité de la chose... C'est tout de même grave, non ?
Et si c'était le seul exemple de non sens dans les pratiques de l'école... Hélas, que nenni.
Comment justifier que des enseignants continuent d'affirmer que le mot "livre" a deux syllabes, alors que tout le monde, y compris ceux du sud de la France, prononce "le livre est cher", avec une seule syllabe sur le mot ? Et si, par miracle, on le trouve moins cher qu'on ne pensait, même à Marseille ou à Toulouse, la prétendue "seconde" syllabe du mot n'est jamais accentuée de la même manière que la première, et ne saurait être considérée comme une "vraie" syllabe (on l'entend à peine) : "le livr(e) n'est pas très cher"
On peut aussi rappeler que Marseille et Toulouse sont loin d'être considérées en haut lieu comme des références n°1 en matière de prononciation, et bon nombre d'enfants de cette région ont été (et sont encore) critiqués vertement pour leur accent (sans que personne ne puisse dire au nom de quoi !!)...
Une telle contradiction peut-elle se défendre ?
Lorsque je sollicite cette justification, la seule réponse que j'obtiens est que c'est dit ainsi dans le manuel... Cela signifie donc qu'à l'absence de bon sens s'ajoute un sens, inattendu dans une démocratie, de soumission totale à la hiérarchie et à ses ukases. Si l'autorité exige qu'on entende deux syllabes dans "livre", il faut obéir. Et l'on accepte que nos enfants soient ainsi traités ?
Comment peut-on oser dire aux enfants qu'il faut "faire chanter les syllabes et les sons des lettres", alors que ces dernières sont des petits dessins qui n'ont jamais eu la moindre prononciation, et n'ont guère vocation à chanter ?
On sait bien pourtant que chaque langue affecte les lettres de son alphabet aux sons de son propre oral de manière parfaitement arbitraire : la lettre "a", est utilisée par les anglais pour autre chose que le son [a] ; la lettre "b" est utilisée par les Espagnols pour autre chose que le son [b] français, et l'on pourrait multiplier les exemples.
Qui pourrait me dire pourquoi on raconte ainsi des salades aux enfants ? (il est vrai que j'ai des hypothèses de réponses...)
Comment comprendre que l'on passe tant de temps (dont on a tellement besoin pour autre chose !) à mette un enfant au pilori du tableau, pour l'interroger, sans que cette interrogation n'apporte quoi que ce soit ni à l'enseignant, ni au reste de la classe, ni à celui qui planche ? Personne ne s'est donc encore aperçu à quel point ça ne sert à rien, si ce n'est à flatter les plus mauvais instincts des enfants... et des adultes ?
Quand se décidera-t-on à comprendre que demander aux enfants dans une dictée d'inventer une orthographe personnelle pour les mots qu'il ne connaît pas ou qu'il a oubliés, est le plus sûr moyen de l'empêcher d'apprendre comment ils s'écrivent vraiment ?
Quand découvrira-t-on que faire croire aux enfants que les mots s'écrivent comme ils se prononcent, alors que l'orthographe fonctionne évidemment autrement, est la cause n°1 de leurs difficultés en écriture ?
Quand admettra-t-on que punir un enfant parce qu'il ne sait pas ce qu'il devrait savoir n'a jamais été un moyen de l'aider à l'apprendre ?
Quand admettra-t-on aussi qu'il est scandaleux de récompenser un enfant pour des connaissances qui viennent "de ce qu'il s'est donné la peine de naître, et rien de plus " ?
Moi, tout ça, ça me chiffonne...
« On ne peut par résoudre un problème sans changer l’état d’esprit qui l’a engendré. » Albert EINSTEIN
Il est urgent de se demander comment on pourrait changer ces états d'esprit...
En attendant, bonnes vacances à tous et surtout soyez en forme à la rentrée !
Commentaires
1. Le dimanche 11 juillet 2010 à 16:22, par Ostiane
2. Le dimanche 11 juillet 2010 à 16:25, par Josie
3. Le lundi 23 août 2010 à 11:58, par yaya07
4. Le vendredi 10 septembre 2010 à 08:44, par Cyril Petit
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