Non, non et non, une récompense ne motive point.
C'est un pur "attrape-couillons", comme disait ma grand-mère qui n'avait pas peur des mots.
Et non seulement ce sont les "couillons" en question qui se trouvent attrapés, mais aussi les autres, qui le deviennent ainsi, même s'ils ne l'étaient pas tant que ça avant.
Oui, je sais, nous avons sur nos épaules des siècles d'éducation à base de récompenses et de punitions. Ça pèse lourd, très lourd. Mais il serait peut-être temps de se réveiller, de se secouer un peu, et d'ouvrir les yeux sur un raisonnement qui en soit un.

Quand se décidera-t-on à distinguer conditionnement, et apprentissage, motivation et séduction, responsabilité et soumission ?
Un récent billet du mois dernier évoquait déjà, en référence aux travaux de H. Laborit, ce type de différences, en rappelant la définition de ce qu'est la "motivation" : la volonté libre de faire ce dont on n'a pas envie du tout, parce qu'on a compris que cela est indispensable à la satisfaction de notre envie.. C'est toute la différence entre une "envie" et un "projet"
http://www.charmeux.fr/blog/index.php?2008/09/15/91-recompense-et-motivation

Mais je voudrais ici ré-enfoncer le clou à propos des signification catastrophiques d'une telle régression à l'école.
Comme le savent ceux qui y ont un peu réfléchi, "éduquer", c'est permettre d'accéder à l'autonomie, compagne incontournable de la responsabilité. Et la composante essentielle de l'autonomie, c'est la capacité d'analyse, de repérage des problèmes, de construction de solutions, de remise en question de ces solutions... Bref, c'est l’intelligence. Eduquer, c'est rendre intelligent.
Récompenser, c'est tout le contraire : c'est chercher à séduire, donc à soumettre : la récompense rend dépendant. Même s'il n'y a pas de "punition" prévue (et il y en a toujours quand même !), l'absence de récompense est reçue comme une punition. Le fonctionnement binaire des choses est incontournable !

On peut rapprocher ceci du problème de la liberté "accordée", ici ou là : par exemple, celle du "texte libre" de Freinet, tel qu'il est interprété dans certaine classes que l'on peut alors qualifier de "pseudo-Freinet".
Il m'est souvent arrivé, dans quelques classes, se disant "Freinet", d'avoir un air dubitatif devant l'affirmation que l'écriture des textes est bien "libre" : "Bien sûr que le texte est "libre" : les enfants ne sont nullement obligés d'en écrire...".
A quoi, je répondais par la question, anodine en apparence : "Est-ce que tu félicites, ou récompenses, celui qui en a écrit un ?".
La réponse étant toujours "Oui , naturellement : les enfants ont besoin d'encouragements !", je ne pouvais que rétorquer : "Alors, l'écriture du texte n'est pas libre, puisque ceux qui n'en ont pas écrit ne sont pas félicités, et s'ils ne sont pas félicités, cela signifie qu'ils sont punis... Donc, pour éviter cela, il leur faut écrire un texte, c'est obligatoire !! C'est comme cela que l'on arrive au "texte libre obligatoire" ".

Pas évident de mettre en cohérence les théories et la pratique...

Les dangers de la pratique des récompenses sont nombreux et très graves.
D'abord, elles sont conférées à titre individuel, comme si la réussite qu'elles honorent était due aux seules qualités de l'individu. On sait que c'est faux. Tout ce que nous avons réussi est dû pour l'essentiel aux conditions dans lesquelles nous vivons, à ceux qui nous entourent et aux rencontres qu'ils nous ont permises. En trompant ainsi celui qui est récompensé, on développe en lui une fierté malsaine, et un sentiment parfaitement immoral de supériorité (qui, de plus, n'est pas sans dangers pour lui, en rendant les futurs échecs — évidents et incontournables — de plus en plus difficiles à accepter).

Ensuite, elles isolent des autres et favorisent toutes sortes de réactions mauvaises de jalousies diverses. Et ce, d'autant plus qu'elles sont toujours accompagnées d'un cortège d'injustices involontaires (pas toujours !), liées aux impondérables de nos atomes crochus, qui, tel le cœur selon Pascal, ont des raisons que la raison ignore. Elles mettent donc les enfants en compétition les uns avec les autres et favorisent les pires instincts chez eux...

A cela s'ajoute tout ce qui a été dit précédemment, et comment le symétrique de la récompense, la punition, en répondant à la faute pour l'expier, en justifie l'existence, au point de la motiver parfois !!

Récompense et punition sont donc bien des pratiques profondément immorales, responsables de l'infantilisme d'une bonne partie des adultes que nous sommes, qui courent après les médailles, et lèvent le pied quand ils voient un gendarme.

J'entends d'ici l'objection : il faut tout de même bien encourager les efforts...! Bien sûr ! Mais cet encouragement ne peut venir que d'une joie collective : quand il y a réussite, on se réjouit ENSEMBLE et on fait la fête. Tout comme on s'inquiète TOUS des difficultés d'un seul, et on cherche ENSEMBLE des solutions pour l'aider.

Cela s'appelle la solidarité.
Et ce devrait être l'objectif majeur de toute éducation, scolaire et familiale.
Il est vrai que ce terme est inconnu dans une société libérale...

Raison de plus pour le faire connaître, sans médailles (Bravo, les "merdailles" de Sylvain !!), ni bons points.