Les récits fondateurs, par Christian Montelle
moncri@wanadoo.fr

Un enfant n’est pas un récipient que les professeurs remplissent de savoirs et de savoir-faire.

À l’école, il doit se fonder en tant qu’être humain et être social autant qu’il doit acquérir les savoirs qui lui permettront d’exercer un métier ; il doit également rencontrer la culture voire la sagesse qui donneront saveur et bonheur à son existence. Cette institution (d’où : l’instituteur) de l’humain dans le petit d’homme se réalise durant la période scolaire et il est dangereux de l’oublier en réduisant l’enfant à être un simple "apprenant".

Les récits fondateurs de la tradition orale sont, dans la visée de cet objectif, un patrimoine infiniment précieux, même s’ils sont peu considérés par les élites intellectuelles et les instances dirigeantes.
Ils ont traversé des milliers d’années, toujours semblables et toujours renouvelés, toujours accessibles à tous...
Les récits de la tradition nous permettent de connaître les civilisations et les cultures de tous les peuples de la terre. Ils nous ouvrent aux autres, à l’étranger, notre frère, si semblable à nous dans ses désirs et dans ses peurs, si enrichissant dans ses différences de coutumes et de modes de vie. Les contes et les légendes rassemblent, dans une écoute commune, tous les âges, toutes les catégories sociales ou socioculturelles, toutes les origines ethniques : ils sont le patrimoine commun de l’humanité et en cela, ils sont un facteur d’intégration et de rassemblement.

Les récits fondateurs devraient donc être au cœur de la transmission pédagogique pour un certain nombre de raisons que je me contente de pointer ici :
* ils enseignent la langue et le monde, d’une façon douce et attractive, avec un fort coefficient de plaisir pour l’enfant ;
* ils permettent aux êtres humains de construire le temps et de s’imaginer un destin, en échappant pour mieux les maîtriser, grâce à la fiction et aux symboles, à l’écume des jours, à la contingence de l’ici et maintenant ;
* ils offrent la possibilité d’explorer tant dans le domaine linguistique que dans celui de la culture, de très nombreux espaces géographiques, historiques, professionnels, sociaux qui enrichissent la langue et la culture de ceux qui les entendent ou les lisent ;
* ils proposent des modèles éthiques — sans les imposer grâce à la polysémie des langages symboliques et poétiques qu’ils privilégient — et permettent aux enfants de prendre connaissance de façon inconsciente et d’adopter les comportements civiques souhaitables ;
* ils initient, sans atteinte à la liberté, au monde de l’esthétique, en évoquant le beau, comme ils laissent entrevoir le bien et le vrai, sans les figer dans des vérités dogmatiques, mais en leur laissant toute la fluidité de l’humain ;
* ils permettent une rétention importante des savoirs car ils servent de patères qui accrochent et ordonnent ces savoirs.
Les êtres humains sont faits des récits qu’ils reçoivent. Il importe de choisir avec le plus grand soin les histoires orales ou littéraires qui les nourrisssent.

Les blogueurs curieux pourront consulter un texte plus copieux concernant le thème des récits fondateurs sur le site d’Éveline Charmeux :
http://www.charmeux.fr/montellerecitsfond.html ;
Ils pourront aussi lire un chapitre sur les récits fondateurs et des indications pour un bon usage des textes de la tradition orale dans : Christian Montelle, LA PAROLE CONTRE L'ÉCHEC SCOLAIRE/La haute langue orale, l’Harmattan, 2005.