La loi des séries, comme disent les médias.
Notre ami René a entraîné avec lui quelques stars, Serreau, Bergman, Antonioni... Et pour eux, les discours hagiographiques affluent. Pas question d'en contester la légitimité : ils ont été immenses tous les trois, c'est évident.
Ce qui l'est moins, c'est cette manie d'utiliser le superlatif dit "relatif ", pour parler d'eux : "Serreau, le plus grand comédien du monde, voire, de tous les temps"...
Quand aura-t-on compris l'absurdité de ce genre de classement ??
Mardi soir, à la télé, pour la retransmission en direct d'Orange, du Trouvère de Verdi, — sublime, entre parenthèses, et accompagné de reportages passionnants sur Roberto Alagna —, pourquoi Christophe Hondelatte (qui n'était pas au mieux de sa forme et qui se croyait à "faites entrer l'accusé" : l'opéra n'est pas son fort!) s'est-il cru obligé de dire à plusieurs reprises que c'est "le plus grand chanteur du monde" ??
Insupportable quand on pense à des chanteurs comme Placido Domingo, José Carreras, Luciano Pavarotti et d'autres.
Bien sûr que Roberto Alagna est extraordinaire (et en plus, c'est, semble-t-il une belle âme, par dessus le marché !), mais cela ne retire rien aux autres.
Que l'on dise qu'il est très grand, immense si l'on veut, qu'il fait partie de la famille, fort restreinte, des plus grands chanteurs du monde, oui, mais pas qu'il est au-dessus de tous les autres.
Une différence n'est quasiment jamais un différence de qualité.
Personne n'est au-dessus de tous les autres.

C'est comme en classe : les différences qui séparent les élèves n'ont rien à voir avec des différences de valeur.
Comme on sait (ou plutôt, comme on devrait savoir) un mauvais élève n'est pas un élève qui ne sait rien, c'est un élève qui a d'autres savoirs — que l'école méprise, en général ! — Et c'est ce mépris qui en fait un "mauvais élève".

Vous savez, quand des parents me demandaient, à propos de leur fils, comment il se situait dans la classe, il m'arrivait de répondre, assez agacée : "Il est très bien situé, près de la fenêtre...". Et, devant le mécontentement que suscitait ma réponse, j'ajoutais : "Un élève n'a pas à être meilleur que les autres. Il a à être meilleur qu'hier".
En matière de sciences humaines, le classement est vraiment une idiotie, — pire, (notamment en classe), un danger gravissime. Il serait temps qu'on en prenne conscience.