Enseigner le français avec Eveline Charmeux.

Comment démarrer au CP ?

Précisons d'emblée que le CP n'est en rien l'année du commencement de la lecture : son apprentissage a débuté (devrait avor débuté) dès la petite section d'Ecole Maternelle, par la familiarisation avec le monde de la chose écrite (objets à lire et à écrire, lieux où ils se trouvent, formes la,gagières qui les caractérisent etc.) , par l'enseignant, dans les projets de la classe.

Si nous parlons de ce démarrage au CP, c'est parce que des textes officiels présentent ainsi la situation, tout en affirmant par ailleurs l'importance du travail à l'Ecole Maternelle.

Et, pour terminer ce préambule, rappelons la réponse que J. Foucambert donnait régulièrement à ceux qui demandaient : "Mais enfin, on commence comment ?" Jean répond — avec un sourire : "On ne commence pas, on continue !" . Quel que soit l'âge d'un enfant, il a toujours des savoirs déjà-là, et enseigner consiste d'abord à savoir prendre appui sur eux.

Pour qu’un enfant puisse apprendre à lire et à écrire, trois conditions sont indispensables :



1) qu’il vive des situations « vraies » (on dit « fonctionnelles ») de lecture et de production d’écrits, mettant en jeu des objets sociaux véritables, dans des projets effectifs ;

2) qu’il vive des situations-problèmes, autour de ces situations fonctionnelles, lui permettant de comprendre ce que sont et comment fonctionnent ces situations et de construire les savoirs nécessaires à cette compréhension ;

3) qu’il fasse des exercices d’entraînement lui permettant de devenir capable d’effectuer les opérations nécessaires à la compréhension et à la production des textes écrits .

Ces deux dernières conditions étant nécessaires au développement des compétences de lecture et de production d’écrits qui sont au nombre de 5 :
* compétences dites de repérage et d’orientation  dans l’univers des écrits, grâce auxquelles on reconnaît immédiatement l’objet que l’on a à lire ou à produire ;
* compétences dites sémiotiques (ou « comportement de lecteur ») grâce auxquelles on effectue les raisonnements nécessaires à la construction du sens ;
* compétences dites langagières,  grâce auxquelles on peut utiliser les signes écrits et les interpréter comme éléments de langage en lecture comme en production ;
* compétences dites énonciatives (ou « comportement de scripteur » , grâce auxquelles on peut avoir les attitudes d’énonciation nécessaires pour se faire comprendre ;
* compétences dites graphiques, grâce auxquelles on peut utiliser l’écriture manuelle pour réaliser le message ;

Comment organiser le travail ?

Il est important de rappeler que l’emploi du temps mis en oeuvre dans l’année ne s’applique jamais à la première semaine qui a un statut et une organisation spécifiques (Voir plus loin le détail de cette première semaine.)
Mais ce qui demeure toute l’année, et dès la première semaine, c’est la répartition des neuf heures de français prévues, en deux grandes familles : celles qui mettent en oeuvre les situations fonctionnelles et celles qui mettent en oeuvre le travail d’apprentissage (situations-problèmes et exercices d’entraînement) selon le schéma suivant :

 

 

Moments de
pratique sociale
de la lecture et de l’écriture :

 

Situations dites fonctionnelles
mises en jeu par les projets ludiques et sociaux
de la classe
sur des objets sociaux véritables

(pédagogie du projet)

Une heure chaque matin

 

R
é
g
u
- l  -
a
t
i
o
n

 

Moments d’apprentissage proprement-dit .

Activités dont la finalité est le développement des compétences mises en jeu dans la pratique sociale de l’écrit : Acquisition des savoirs d’ordre conceptuel
et d’ordre opératoire constituant les compétences visées .

(Situations-problèmes et exercices d’entraînement)

une heure l’après-midi

Précisons que les moments de régulation, indispensables à une organisation démocratique de la classe, sont à prévoir dès le C.P. (et même dès l’École Maternelle) . Ce sont des moments où l’on fait le point sur ce qui s’est passé, sur ce qu’on a fait et compris, et aussi sur la manière dont cela a été vécu, afin de pouvoir réajuster le fonctionnement de la classe.
Voici un exemple possible d’organisation de la semaine autour de ces deux grands types de moments.

 

Lundi matin

 

Mardi matin

 

mercredi
(ou samedi) matin

 

Jeudi matin

 

Vendredi matin

 

Situation de
lecture liée aux
projets de la classe.
(scolaires —
autres disciplines —
ou non scolaires)

 

 

 

Situation d’écriture
liée aux projets de
la classe .

 

Travail sur le
langage oral et
écrit
(situations fonctionnelles et activités d’apprentissage)

Compétences langagières

 

 

Situation de lecture
de fictions
(coin lecture ou
BCD)

 

 

Situation d’écriture
 ludique et de
fiction (atelier
d’écriture)


 

 

Lundi après-midi

 

Mardi après-midi

 

mercredi
(ou samedi) a.m.

 

Jeudi après-midi

 

Vendredi
après-midi

 

Séquence
d’apprentissage
et/ou exercices
(apprendre à reconnaître les
types d’écrits, leurs auteurs et leurs
rôles )
Compétences de repérage et d’orientation

 

Séquence
d’apprentissage
et/ou exercices
(apprendre à
utiliser l’écriture manuelle)

 

Compétences graphiques

 

 

Séquence
d’apprentissage
et/ou exercices
(apprendre à raisonner pour comprendre et à utiliser les bons indices)

Compétences sémiotiques

 

Séquences
d’apprentissage
et/ou exercices
(apprendre à
élaborer un texte écrit, et à savoir se faire comprendre)

 

Compétences énonciatives

On sait que la caractéristique essentielle de la lecture, comme de l’écriture, c’est d’être des activités n’ayant pas leur fin en elles-mêmes : on lit et on écrit toujours pour autre chose que lire et écrire . Cet « autre chose », c’est ce qu’on appelle la fonction de la lecture ou de l’écriture et c’est pour cela qu’on parle de situations « fonctionnelles » .

Ces fonctions, au nombre de six (et quatre pour l'écriture) sont :

1- On lit pour communiquer avec des partenaires absents : fonction de communication

2- On lit pour s'informer : fonction informative

3- On lit pour trouver des réponses aux questions que l'on se pose : fonction explicative

4- On lit pour se faire une opinion ; fonction argumentative

5- On lit pour pouvoir faire : fonction d'action

6- On lit pour rêver et imaginer : fonction ludique et culturelle

Les fonctions de l'écriture sont :

1- On écrit pour communiquer avec des partenaires absents : fonction de communication

2- on écrit pour conserver des traces : fonction mémoire

3- On écrit pour mettre sa pensée en forme : fonction de structuration

4- On écrit pour s'exprimer et pour jouer : fonction ludique et d'expression

Il est indispensable que les enfants vivent en classe des situations fonctionnelles, si l’on veut que l’apprentissage « prenne », c’est à dire qu’ils puissent réinvestir dans toutes sortes d’activités ce qu’ils apprennent en classe. Et il est souhaitable que les enfants aient eu l'occason de vivre chacune de ces situation de lecture et de production de textes.

La première semaine :
La première semaine doit toujours être consacrée à :
1) faire connaissance avec les lieux (école et classes), les personnes, les camarades, le quartier . On repère tout ce qui est écrit, et que l’enseignant note sur de grandes feuilles, sous les yeux des enfants. Toutes ces notes serviront de premier réservoir de choses écrites et de premier lieu de constats .
2) organiser la vie, définir et distribuer les responsabilités des enfants, des projets de vie (correspondance avec d’autres classes et écoles, jardinage, élevages divers etc...) et du projet d’apprendre : apprendre quoi, et surtout pourquoi .
3) découvrir et s’approprier les outils scolaires qu’on va utiliser : livre de mathématiques, d’Education Civique, sciences etc... et les divers objets à lire qui sont dans la bibliothèque de l’école, et au coin lecture de la classe. Découvrir et explorer aussi les objets à lire qui sont à la maison, notamment les enveloppes des lettres reçues par les parents, qui vont constituer un excellent réservoir de mots familiers aux enfants. L'avantage pédagogique de ces mots, comme monsieur, madame, rue, le nom de la ville où l'on se trouve etc., c'est que, fonctonnant seuls sans ambiguîté de sens, ils vont pouvoir servir sans danger de supports d'analyse vers la construction des notions de lettres et de phonème;

Si l’on a un manuel de lecture (à mon avis, c’est inutile et même dangereux), au moins doit-on en faire une observation complète avant toute utilisation, afin que les enfants se l’approprient d’emblée et commencent à formuler des hypothèses sur le type d’objet à lire qu’il représente.

Comment mener cette exploration d'objets à lire ?

Toujours commencer par une exploration du livre ou du document dans son entier, afin de donner aux petits l'habitude de commencer ainsi toute lecture sans jamais commencer par un déchiffrage linéaire des mots, stratégie d'approche des écrits absolument inefficace et responsable de la majorité des difficultés dnas ce domaine :

1- Pour les livres : la couverture, la quatrième de couv. les pages de garde les illustrations dont on cherche à trouver à quoi elles servent ;  les pages de garde de la quatrièmes de couverture... que peut-il bien y avoir d’écrit ? L’enseignant laisse les enfants formuler les hypothèses qu’ils peuvent, puis lit à haute voix ce qui est écrit ; et l'on explique après ce que ça veut dire. On cherche la table des matières et on essaye de comparer ce qui y est dit (et que l’enseignant a lu à haute voix) avec ce qu’on trouve aux numéros de page indiqués. On essaie de comprendre comment le livre est bâti, par quoi ça commence, comment ça se continue etc.... . L’avant-propos est lu à haute voix par l’enseignant et commenté ensuite avec les élèves .

2- Pour les documents (tracts, prospectus, enveloppes de courrier, etc... : observer l'ensemble de l'objet, repérer les détails qui permettent de savoir d'où il vient, qui l' a produit, à quoi il peut servir etc. pour n'aborder la lecture linéaire qu'après avoir formulé des hypothèses de réponses à ces questions. La lecture linéaire doit avoir pour objectif de valder des hypothèses préalables, jamais de les formuler.

Les hypothèses ainsi formulées par les enfants (ainsi que leur validation ultérieure) sont notées par l’enseignant, puis transcrites dans la documentation des enfants (cahier ou classeur, ou dossier, au gré de l’enseignant : l’essentiel étant que tout ce que les enfants vont trouver et apprendre soit noté quelque part où les parents pourront avoir accès : il est essentiel que les parents aient un regard possible et régulier sur le travail de leurs enfants ...)


Par la suite :
On peut compléter cette première approche par une situation de comparaison des divers types d’ouvrages de la classe, comparaison débouchant sur des classements et caractérisations : comment ils sont faits, à quoi ils servent etc... .
Lorsque les enfants commencent à être bien familiarisés avec les livres dont ils auront à se servir ; quand ils ont bien compris à quoi ils servent, on peut les inviter à dégager des « familles de textes »: en leur faisant chercher et mettre ensemble tout ce qui a l’air de se ressembler,  les histoires, les poèmes, les écrits qui expliquent etc... etc...
Ce n’est qu’après ce travail de débroussaillage, accompagné, les après-midi, de séquences sur les compétences de repérage des types d’écrits, que l’on pourra prendre certains de ces textes, les plus courts au début, (les enveloppes par exemple) pour observer de près ce qu’ils contiennent, commencer à entrer dans la spécificité de la langue écrite, et amorcer la construction des notions  indispensables pour accéder à ce que l’on appelle si mal l’étude du code, de la combinatoire plutôt, et de tous les autres aspects si difficiles de la langue écrite : découvrir par exemple que l’écrit n’est pas découpé du tout comme l’oral (là où on a l’impression d’un seul mot « ilfèbo », on en voit 3 à l’écrit = construire la notion de mot, lequel en français n’existe qu’à l’écrit.

 

Quels  types de situations fonctionnelles installer dans la classe ?

Le premier matin de la semaine peut être consacré à des situations de lecture liées aux projets scolaires et non scolaires de la classe .
Le premier de ces projets, et le plus évident, c’est bien sûr la correspondance, avec d’autres classes, proches ou non, et tous les partenaires sociaux impliqués dans les productions de la classe (réponses reçues des correspondants scolaires, mis aussi des directeurs de musées, d’entreprises diverses, à qui on avait demandé des informations et des renseignements, etc...). Ce sont tous les projets de productions, dont la réalisation requiert des lectures : spectacles, goûters à confectionner, jeux sportifs ou non ; ce sont aussi les habitudes d’informations (lecture de la presse etc...) ; les lectures nécessitées par les débats et discussions en classe . Ce sont enfin toutes les lectures nécessitées par les apprentissages en toutes disciplines et les leçons à apprendre, technique de lecture particulière, explicitée et travaillée avec l’enseignant.

Le second matin,  à des  situations d’écriture liées aux projets de la classe .
Ce sont les mêmes situations que précédemment, mais vécues sous l’angle de l’écriture, alors qu’elles l’ont été la veille sous l’angle de la lecture : correspondance avec divers partenaires, de tous âges, lettres de demandes d’autorisation, cartons d’invitation, affiches d’informations, tracts et prospectus pour des campagnes humanitaires ou de santé, mais aussi la participation au journal de l’école etc...etc... Ce sont aussi les situations d’écriture exigées par les apprentissages en toutes disciplines, mathématiques, sciences etc... (même si elles sont encore peu nombreuses au CP), en particulier, les formulations de règles et constats effectués dans les séances de travail de ces disciplines. Ce sont enfin les productions de commentaires accompagnant une exposition, et les comptes-rendus de sorties, et de classes-découvertes .

Le troisième matin à des  situations de lectures de fiction .
Moments de bonheur et de détente : lectures libres, au coin-lecture de la classe, ou à la BCD de l’école, ou à la bibliothèque du quartier . Écoute de contes, de poèmes, de chansons, de lectures à haute voix faites par l’enseignant ou les élèves des grandes classes.

Le quatrième matin à des les situations d’écriture-jeux et de production de contes, poèmes, nouvelles .
C’est le moment des ateliers d’écriture, à partir de règles trouvées dans les lectures, ou sur des consignes proposées par l’enseignant, en vue de productions à communiquer ou non . Ces situations peuvent être vécues d’abord oralement et transcrites en dictée à l’adulte pour être conservées ; elles peuvent aussi être le fait de découpages et de collages : détournement de publicités, de pages de journaux ou de catalogues . Elles peuvent enfin être des créations de contes, de nouvelles, de pièces de théâtre ou de sketchs de marionnettes, menées en ralenti pédagogique, notion capitale que nous précisons maintenant.

Comment mener une situation fonctionnelle de lecture et de production d’écrits : le ralenti pédagogique.

Depuis que l ’école existe, la démarche d’enseignement la plus fréquemment utilisée consiste à demander aux enfants d’effectuer le travail attendu, pour corriger ensuite ce travail et faire apparaître les bonnes directions qu’il aurait fallu suivre.
En fait, on agit comme si la correction du travail pouvait rendre claires les stratégies à utiliser pour le réussir. Selon une jolie formule, — au demeurant d’une incontournable logique — ce n’est pourtant pas en analysant le gâteau que l’on va trouver la recette pour le faire ... A la rigueur, — et à condition d’être très bien équipé — on peut déterminer sa composition, mais certainement pas les opérations à effectuer pour le réaliser.
C’est pourquoi, on est de plus en plus convaincu que le travail de correction, s’il conserve son intérêt quand il est orienté sur les stratégies à mettre en œuvre, reste néanmoins très insuffisant pour aider les enfants à acquérir les savoirs dont ils ont besoin. C’est avant la tâche, qu’il faut travailler avec les enfants, sans exclure pour autant un travail après. Mais le travail en amont se révèle aujourd’hui indispensable à n’importe quel apprentissage qui se veut définitif.
Si l’on pose clairement les objectifs de l’enseignement, on s’aperçoit qu’il a essentiellement comme rôle, de rendre les enfants capables d’effectuer, dans leurs études et dans leur vie professionnelle et personnelle, les opérations par lesquelles leur insertion sociale devient possible. Lecture et production d’écrits divers occupent dans ces opérations une place fort importante, même si d’autres compétences sont aussi nécessaires .

Or, pour être capable d’effectuer ces opérations, il faut savoir comment on s’y prend  pour y parvenir. C’est pourquoi, on dit volontiers aujourd’hui, que le travail de l’enseignant ne consiste point à transmettre des contenus à posséder, mais à enseigner les stratégies par lesquelles on peut acquérir les contenus en question.
Pour enseigner ces stratégies, il faut s’inspirer de ceux qui, les premiers, ont bien compris cela, c’est-à-dire les enseignants d’Éducation Physique et les entraîneurs sportifs. Ce n’est pas en corrigeant le saut en hauteur, qu’ils forment un champion dans cette discipline ; c’est en lui proposant des stratégies diverses (de collègues et de champions reconnus) à analyser, et à expérimenter, afin de lui permettre de construire lui-même celle qui lui apparaît, pour lui, la plus efficace.
Or, pour pouvoir analyser des stratégies motrices, il faut pouvoir les observer au ralenti, ce que permet aujourd’hui la vidéo. La tâche de l’enseignant, en classe, est un peu du même ordre. Certes, on ne peut pas visionner au ralenti les opérations mentales qui permettent de comprendre ou de produire un texte ; c’est probablement pour cela qu’on est en retard sur les enseignants d’EPS. Mais on peut les observer de façon visible par l’explicitation, avec l’aide de l’enseignant. Ainsi, les composantes et les étapes peuvent-elles être perçues par les enfants, et réinvesties dans leur pratique personnelle.
Concrètement, cela veut dire que, lors des situations fonctionnelles de lecture (qui sont naturellement fort difficiles pour des enfants de cycle 2... puisqu’ils sont encore en apprentissage), l’enseignant ne va pas laisser les enfants errer, patauger, pour inventer ce qu’ils ne savent pas faire. Cette pratique est du reste doublement discutable, car elle provoque une sélection injuste des enfants, en valorisant ceux qui ont pu y parvenir, simplement parce qu’ils ont la chance de vivre dans un certain milieu, et en aggravant chez les autres, un sentiment d’infériorité, générateur d’échecs scolaires.
L’enseignant, au contraire, va suggérer des moyens de s’y prendre, en invitant les enfants à aborder la tâche qui leur est proposée par la situation, de telle ou telle manière.
Le ralenti pédagogique en lecture :
Face à la nécessité de comprendre un document pour le projet en cours (une affiche, ou la lettre des correspondants, ou le conte qui intéresse en ce moment), au lieu de demander aux enfants, comme on le fait en général, ce qu’ils ont compris — ce qui ne peut que désespérer ceux qui n’ont rien compris !— l’enseignant va les inviter à effectuer les opérations par lesquelles tout le monde pourra comprendre :
* commencer par identifier le type d’écrit que l’on doit lire, et faire formuler clairement les indices qui ont permis de faire cette identification ; donc, poser la question : quel est l’objet à lire que nous avons là ? et à quoi le reconnaît-on ?
* faire ensuite formuler à haute voix les hypothèses que cette identification permettent de formuler : si c’est une affiche, quels types d’informations peut-elle apporter ? Si c’est la lettre des correspondants, de quoi peuvent-ils parler ? etc...
* faire ensuite repérer les données du péritexte qui peuvent aider à affiner ces hypothèses : la mise en page, la ponctuation, la présence de dialogues, la présence des majuscules sans points juste avant, ce qui permet de supposer qu’il s’agit alors de noms propres ...
* faire alors repérer les données linguistiques, mots, expressions, ordre des mots, marques orthographiques, etc... qui vont, mises en relation avec les hypothèses précédentes, affiner encore l’interprétation.
* habituer les enfants à toujours se référer au sens, pour valider leurs hypothèses, et à les passer au crible de l’esprit critique : ce que nous croyons comprendre, est-ce plausible ? est-ce cohérent avec ce que nous savons par ailleurs ? Etc
* aider les enfants à valider eux-mêmes leurs hypothèses, en écrivant au tableau leurs propositions, au moment où ils les formulent, pour qu’ils puissent les comparer visuellement avec ce qui est écrit.
* ne jamais terminer une lecture, sans faire le point de ce qu’elle a apporté au projet en cours : est-ce qu’on a trouvé une réponse aux questions qu’on se posait ? Est-ce qu’on s’est amusé ? Est-ce qu’on commence à avoir une opinion valable sur tel ou tel sujet qui nous préoccupait ? etc... etc...
* j’ajouterais volontiers : habituer les enfants à être satisfaits de toute lecture, même si celle-ci s’est révélée décevante ; le plaisir de la lecture existe aussi quand le livre a déplu, car le fait de l’avoir lu vous donne un droit infiniment agréable : celui d’en dire du mal ! Je n’ai, en effet, le droit de ne parler, en bien ou en mal, que des livres que j’ai lus, faute de quoi, je suis bien malhonnête... Où l’on voit que l’enseignement de la lecture va souvent plus loin qu’on ne pense.

Le ralenti pédagogique en production d’écrits :
La nécessité du ralenti pédagogique en écriture est plus grande encore pour la production d’écrits que pour la lecture ; car, c’est une pratique bien moins maîtrisée que celle de la lecture, même chez des adultes cultivés.
De nombreux chercheurs le disent aujourd’hui : la production d’écrits, telle qu’elle est conçue dans la plupart des classes, met les enfants en situation de surcharge cognitive, c’est-à-dire, qu’elle leur demande beaucoup trop d’opérations en même temps, qui ne sont même pas claires dans la mesure où elles n’ont jamais été explicitées, si bien, qu’ils ne peuvent en effectuer aucune convenablement.
C’est pourquoi, la première condition, pour aider les enfants à maîtriser toutes ces opérations, c’est de sérier les problèmes à résoudre et de diviser les difficultés, selon des principes vieux comme Descartes ! Concrètement cela signifie :

* Ne jamais mettre les enfants en face d’une feuille blanche, avec mission de la remplir, sans autre information qu’un sujet de rédaction ... En particulier, abandonner cette habitude, qui est la nôtre, de demander aux enfants de chercher des idées dans leur tête : c’est un endroit où il n’y en a généralement pas ; et ce, pour la bonne raison que les idées, c’est dans les livres et dans toutes sortes de documentation qu’on les trouve, pas ailleurs ! Donc, bien séparer le moment de collecte des contenus à écrire, de celui de la rédaction du texte. Non seulement les séparer, mais accompagner les enfants dans leur collecte, et les aider à accumuler beaucoup plus d’informations, qu’ils ne peuvent en avoir besoin : écrire, c’est d’abord choisir. Et il est important que les enfants prennent l’habitude de devoir trier, parmi leurs informations, celles qui seraient les plus pertinentes à leur projet d’écriture. Trier ce qui est pertinent est une activité autrement plus enrichissante que se battre les flancs quand on ne sait pas quoi dire, pour finir par dire n’importe quoi ...

* Aider les enfants à anticiper le texte à produire, en effectuant avec eux une analyse des enjeux, des contraintes sociales qui pèsent sur ce type d’écrit ; en les aidant à élaborer la maquette du texte projeté, en leur rappelant les recherches à effectuer : problèmes de cohérence à résoudre, d’ouverture et de clôture textuelle, d’orthographe.

* Ne pas perdre de temps à rédiger un brouillon intégral, inutile, — et dangereux plus tard au moment des examens ; mais leur permettre d’acquérir la bonne habitude d’écrire d’emblée au “propre” un premier jet, qui sera ensuite l’objet de réécritures, éventuellement plurielles.

* Toujours dédramatiser le résultat, en mettant en lumière le travail fourni, sans jamais humilier l’auteur, quelle que soit la qualité du produit réalisé.

Comment démarrer le travail d'apprentissage du "code" (= la construction de la combinatoire) ?

On se reportera à la page sur la combinatoire (combinatoire.html) pour situer la place de ce travail dans l'ensemble du travail de lecture. Je rappelle aussi que, contrairement aux propos officiels qui limitent à deux domaines seulement l'apprentissage de la lecture (le code et la compéhension), présentation très dangereuse par son caractère excessivement réducteur, qui prive les enfants peu favorisés socialement des données essentielles du lecteur performant, l'apprentissagedu système français de relation phonèmes / graphèmes (= la combinatoire ou le code), est loin d'être le seul domaine d'apprentissages langagiers et lecturels. Voir ici plus haut les compétences sur lesquelles il est nécessaire de travailler.

Mais pour ce qui concerne la combinatoire, sur laquelle on peut travailler au CP très tôt, dès l'instant que les enfants manipulent des écrits entiers, utilisés avec leur fonction sociale dans la classe, la démarche consiste toujours à partir de ce qui a été lu auparavant, pour effectuer des observations fines sur certains éléments de ces textes, ce que j'ai coutiume d'appeler des "coups de zoom"

Par exemple, après un travail sur les enveloppes apportées par les enfants de chez eux, où on a appris à repérer les mots "monsieur", "madame", "rue", le nom de la ville" etc., l'enseignant propose de regarder les lettres qui les constituent, et de les classer à partir de celles qui constituent leur prénom. On les met alors en relation av ec ce qu'on entend dans le mot à l'oral. Sur ce point, le mot "monsieur" est extrêmement intéressant, car on y entend deux fois le son [ø] et les lettres qui correspondent à ce son ne se ressemblent pas du tout. Or, il est très important que les petits découvrent très tôt que la correpsondance phonies-graphies n'a rien de régulier et qu'il faut se renseigner pour savoir comment s'écrit ce qu'on entend ou comment on prononce ce qui est écrit.

On trouvera dans le dossier des pages d'exemples précis de leçons sur les divers points des compétences langagières, leçons qui ont été effectivement vécues dans les CP avec lesquels nous avons travaillé et qu'on peut trouver dans l'outil "ANIMALIRE" (editions SEDRAP Toulouse).

Voir : fichecpmajuscules.html