La classe de français : enseigner l'orthographe

Les modèles théoriques

Contrairement à ce que l'on pense généralement, il n'existe vraiment que deux grands modèles thoriques de l'orthographe française, reposant sur les deux hypothèses suivantes, qui définissent deux directions pédagogiques :

1) Une hypothèse linguistique qui pose que l'orthographe transcrit majoritairement la prononciation.

C'est l'hypothèse choisie par Nina Catach et une majorité de pédadogues. Selon eux, l'orthographe française est organisée en un pluri-système où coexistent des phonogrammes, des morphogrammes, des logogrammes ainsi que des lettres logogrammatiques et quelques lettres hors système.

Ainsi présenté, et quel que soit l'intérêt évident de cette hypothèse au plan du fonctionnement de la langue, le système de l'orthographe apparaît fort complexe et fort difficile à "transposer didactiquement", pour reprendre la formule d'Y. Chevallard. ce qui prouverait, s'il en était besoin que la pédagogie ne saurait être une application des recherches fondamentales. La pédagogie est une science à part entière, qui se nourrit des recherches fondamentales, mais qui doit poser ses propres hypothèses.

Jean-Pierre Jaffré a tenté cette transposition en utilisant la notion de situations-problèmes en écriture. Voir son ouvrage : " didactiques de l'orthographe" (Hachette Educ. 1992).

Une des objections que l'on peut opposer à ce choix est que travailler l'orthographe en situation d'écriture ne semble pas très cohérente au plan pédagogique : quand on est en train d'écrire, il est un peu tard pour apprendre l'orthographe : ce n'est pas au moment où je pars en vacances avec ma voiture que je vais me demander comment et pourquoi on doit changer de vitesses...

2) Une hypothèse pédagogique qui pose que l'orthographe transcrit majoritairement le sens

C'est l'hypothèse choisie par quelques équipes de pédagogues, dont Eveline Charmeux, qui considèrent que l'orthographe est organisée en un système analogue à celui qui régit l'ensemble des faits linguistiques, fonctionnant selon deux axes : l'axe vertical des substitutions qui définit un rôle sémantique lexical (le sens des mots : poids / pois) et l'axe horizontal, celui des relations entre les mots, qui définit un rôle sémantique grammatical (un ami sincère / des amis sincères). Ces deux rôles recouvrent (sans le nier pour autant) le rôle de transcription des sons de la langue orale, dont le caractère instable, lié aux variations importantes de la prononciation du français parlé, ne peut être érigé en règles : selon les régions le mot "maison" sera prononcé avec un [E] fermé ou avec un [è] ouvert etc.

Une telle hypothèse présente de grands avantages : ce qui est à enseigner apparaît comme très clair : il s'agit des deux rôles que les lettres jouent en français. En fait, enseigner l'orthographe, c'est répondre à la question : "comment la langue française se sert-elle des lettres de son alphabet pour faire comprendre les messages écrits ?".

Apprendre l'orthographe devient dès lors une science d'observation, qui s'étudie en situation de lecture et d'observation des écrits qui ont été lus. Sa connaissance se construit par des situations d'observation réfléchie et de manipulations aidées de documentations diverses, des textes qui ont été lus, vers la recherche de constats à ériger en règles provisoires, non généralisables de fonctionnement.