Serge Pey lui dit un adieu magnifique.
(La Dépêche du midi du 22 juillet 2007).
René a regardé si tous les micros étaient bien fermés. Il a coupé le courant. René a fermé la cave. Ensuite il a rentré le panneau de la rue, puis barré la lourde porte du couloir.
Bonne nuit, René, bonne nuit… A demain.
Nous aurions pu ajouter avec Aragon : « La vie est pleine d’échardes. Elle est pourtant la vie et cela fait du bien, la nuit parfois, de crier » Et Berthold Brecht qu’il aimait tant aurait continué : « Lorsqu’un homme assiste, sans broncher, à une injustice, les étoiles déraillent ».
La mort, ce matin est pour nous une injustice. Mais René nous aurait dit que non. Que c’est ainsi.
Regardez : la haute silhouette de René quitte la rue du Taur et marche maintenant dans l’infini à la recherche de Godot en compagnie de Vladimir et d’Estragon, de Pozzo et de Lucky. On l’entend maugréer devant un public d’étoiles : « Elle est si con, la lune. Ça doit être son cul qu’elle nous montre toujours. » (Beckett, « Molloy »). Les étoiles applaudissent.
René Gouzenne est vivant. Il s’appelle Re-né. Il est né deux fois. Alors, pas de soucis pour les poètes. Un morceau de Toulouse s’en est allé dans la Garonne jusqu’à la mer infinie où nagent les poètes.
Un Pohémien est mort. La bouche qui récitait, la bouche de lecture est partie. Parti, le creuseur de sens. Parti, le diseur du courage des hommes dans l’histoire. Parti, l’amant de l’amour.
Celui qui chaque jour nous portait le poème comme le pain nous laisse devant une table vide avec le verre de vin qu’il nous servait.
Serge Pey. 22 juillet 2007