Ce bouquin, intelligent, revigorant, laisse à la lecture un goût doux-amer et fait couler une larme de nostalgie, dès qu'on pense à l'école d'aujourd'hui, avec son ineffable ministre : il est vrai que cet ouvrage fut écrit en 1996 : probablement introuvable aujourd'hui, c'est une sorte d'OVNI : il décrit un tout autre monde que le nôtre...
Du reste, un ouvrage, ayant ce titre est chose impensable de nos jours : il serait totalement incompris. Notamment, le "pourrait mieux faire" ne susciterait, à l'heure actuelle, qu'un pâle sourire : les propos du ministre sont si loin de la notion de progrès, que le mot ne viendrait même pas à l'esprit. Comme on sait, la pédagogie du ministre n'a pas à être discutée, et encore moins améliorée : elle a à être suivie. Point barre.
Tiens ! Il paraît que nous sommes en démocratie : serait-ce oublié ?

En tout cas, il semble bien que des progrès ne sont guère faciles à concevoir : il faudrait pour cela qu'il y ait déjà quelque chose, comme un début intéressant, une bonne base à analyser pour aller plus loin.
On n'en est, hélas, pas là du tout.
Ce ne sont donc pas des progrès qu'il faut espérer, mais une révolution, qui reprenne tout à zéro...
Attention, il n'est pas question de suivre ici l'hymne des révolutions : "Du passé faisons table rase". Quoique amie des révolutions, j'ai toujours détesté ce credo, très mauvais pour diverses raisons : la première, c'est qu'on construit toujours sur du donné, et non sur du rasé, et la seconde, qui n'est autre que la conséquence de celle-ci, à savoir que construire, c'est toujours transformer un modèle précédent.

La révolution attendue est à chercher plutôt du côté du Ministre et de sa façon d'agir : en démocratie, système politique pourtant affirmé et réaffirmé en haut lieu, sur le fonctionnement de l'école, les décisions ne devraient jamais être prises de façon personnelle par un ministre qui dit "je". En démocratie, elles sont prises par une commission, où il siège, bien évidemment, mais qui doit contenir, parmi ses membres, des enseignants du terrain. Les enseignants étant des êtres humains, on ne décide pas de leur sort en dehors d'eux : c'est un principe fondamental.
Utopie, direz-vous ?
Permettez-moi de citer ici la définition que Jean-Paul donne de ce mot dans son ouvrage:
"L'utopie n'est pas l'illusion. Elle est un déclencheur, un moteur de l'activité humaine, qui permet de penser demain à partir de l'impossible provisoire d'aujourd'hui."
Cette affirmation a trente ans d'âge. Elle est, pour nous, d'une actualité brûlante.

Alors, arrive la question évidente et les réponses qu'elle appelle : ne laissons pas faire ce qui se met en place. Protestons, exigeons que la démocratie s'exprime, en refusant les décisions verticales qui s'installent sournoisement et nous conduisent, sans qu'on s'en rende compte, vers la disparition de tous les progrès effectués dans les années 70... Souvenez-vous, ou, si vous n'étiez pas encore là, renseignez-vous : ce qui semble un rêve impossible a pu être installé : le travail par cycles de trois ans, a été mis en place, dont la nécessité avait été mise en évidence, par les travaux indiscutables des chercheurs de cette époque, notamment de Jean-Pierre Changeux. C'est lui qui a insisté sur le fait que l'année est une durée beaucoup trop courte, pour que que tous enfants puissent atteindre les objectifs visés. Une organisation annuelle est d'avance une source d'échec pour une bonne partie des enfants ; et, contrairement à ce qu'on recommence à croire, et notamment notre inculte ministre, la cause en est la différence des rythmes de travail des enfants. C'est une donnée essentielle, qui n'a aucun rapport avec les "niveaux", notions floues dépourvues de signification rigoureuse, ramenés à la surface, par le ministre, avec leurs vieux relents nauséabonds. Ce sont ces différences de rythme qui rendent indispensable une organisation pluri-annuelle : trois années étaient apparues, dans les années 70, l'unité nécessaire pour prendre en compte ces variations.
L'ignorance totale de ces données, en haut lieu, confirme s'il en était nécessaire, l'inculture généralisée au sein du ministère.
A la question du titre de ce billet, la réponse est évidente, hélas : la marche arrière est enclenchée, et chacun regarde ailleurs.
L'utopie, si bien décrite par l'ami Jean-Paul, est très loin. A nous de la rappeler et d'en éclairer, aujourd'hui, la nécessité, plus criante que jamais...