Il semblerait, que, depuis 2017, les penseurs de notre belle école, celle de Jean Zay et Jean Macé, aient pris une direction plus discutable.
Claude Lelièvre a bien raison d'évoquer, à propos du discours ministériel, "un mépris de l'expertise des enseignants": le détail des actions d'enseignement, développé de façon si lourde, par un homme apparemment jeune encore, dont l'expérience pédagogique est proche de zéro, est d'une prétention difficile à supporter. L'école, qui l'a formé, c'est l'Ecole Alsacienne, pas vraiment représentative de l'école publique française. Inutile de préciser qu'il n'a aucune formation pédagogique.

On va peut-être me traiter de gauchiste sectaire — je l'assume entièrement — mais je suis infiniment choquée de voir nommé ministre de l'Education Nationale, quelqu'un qui n'a pas mis les pieds dans une école publique.
On peut le dire, avec inquiétude, la démocratie, qui a tant de mal à entrer dans l'école publique, et qui, depuis qu'elle existe, se contente d'inscrire son nom sur ses portes d'entrée — surtout, sans aller plus loin — ne fait aucun progrès dans ce domaine. Et, depuis quelques années, le choix de ses ministres personnels confirme cette triste réalité.
On a envie de crier : "Jean Zay, Alain Savary, et même, Lionel Jospin, revenez, je vous en prie, revenez : le monde de l'Education nationale est devenu fou !"
Ces ministres-là, même s'ils appartenaient socialement au clan des privilégiés, au moins, disaient "nous" quand ils parlaient d'eux (et ce n'était pas un "nous" d'élégance), là où monsieur Attal dit "Je" . Rien que cela en dit long sur l'esprit de démocratie qui est le sien.
Quand on relit son discours, à côté de ceux de ces deux-là, on a l'impression qu'il s'agit d'un autre monde... Et si, comme je viens de le faire, on parcourt l'histoire de la Ligue de l'Enseignement, on se rend compte, par exemple, que, même si elle existe toujours, elle ne semble guère compter dans les projets officiels, et ne semble pas faire grand-chose pour que ça change. Monsieur Gabriel Attal est aujourd'hui seul maître à bord, et, ce qui est plus grave encore, bien peu nombreux sont ceux que cela inquiète.
Une chape de sinistrose est tombée sur notre école, ou plutôt, de lassitude, telle qu'on a l'impression que rien ne pourrait secouer cette torpeur qui laisse tout loisir au décisions les plus aberrantes : permettre à un ministre jeune, sorti de l'Ecole Alsacienne, de s'arroger le droit de donner des conseils — des directives plutôt — à des enseignants, en activité depuis des années, dont beaucoup ont reçu une formation que le Ministre est loin d'avoir, est chose proprement scandaleuse et bien révélatrice de cette lassitude.
Quant au fait de voir les enseignants accepter cela sans broncher, c'est réellement insupportable.

Je souhaite, de tout mon cœur, que les enseignants bronchent, qu'ils ne se laissent pas faire, et qu'il cessent de tolérer que le Ministre soit seul à parler, sans qu'aucun contre-pouvoir ne se lève, pour affirmer la liberté des enseignants à organiser leur métier, comme eux seuls peuvent le définir. Pour cela, je voudrais qu'ils osent s'organiser en ligue, comme ils le firent jadis, avec la Ligue de l'Enseignement. Celle-ci qui existe toujours, pourrait être le volet pédagogique, à côté des groupes syndicalistes dont la fonction est différente et complémentaire, pour se faire entendre, car s'ils sont capables de s'unir, ils constituent un contre-pouvoir assez fort pour cela.
Et si les uns et les autres veulent des précisions sur ce qu'ils pourraient dire, on n'a qu'à relire le discours de Jean ZAY, à la ligue de l'Enseignement en mai 1939.

Vous attendez de moi que je vous apporte, en quelques mots, ce que je pourrais appeler « un bulletin de santé de l’Ecole Laïque ».
Laissez-moi vous le donner : il est excellent ! L’école républicaine se porte très bien, elle se porte bien malgré de nombreuses difficultés financières redoutables qui ne sont que le reflet des difficultés générales du pays...J’ai essayé de donner aux efforts qui allaient avoir à s’organiser une devise simple qui pourrait s’énoncer ainsi : «l’Ecole d’abord !». L’Ecole d’abord : parce que, dans un pays de démocratie, c’est d’elle que tout vient et c’est à elle que tout revient (...)
Cette école, nous avons à accomplir, en sa faveur, deux tâches qui ne sont nullement contradictoires : la conserver et la perfectionner.
La conserver précisément dans le cadre d’une législation laïque, qui n’est une oppression ou une menace pour personne, mais qui est une garantie pour tout le monde.
Mais nous voulons aussi l’améliorer. Nous voulons, pour prendre une définition que nous avons inscrite en tête d’un film, une école saine et joyeuse, et mieux encore et plus simplement, une école saine et vivante.
Car à côté de la cuirasse d’acier forgée par nos collègues qui, à la Défense Nationale, ont la charge de de la défense du pays, il y a une autre cuirasse qui n’a jamais été percée, à aucun moment de l’histoire de France, c’est celle qu’à travers les siècles, lui ont formée ses savants, ses universitaires, ses maîtres d’école, « ces hommes à grosse tête », comme on disait autrefois, qui ont fait la nation plus encore que les régimes — et mieux encore que les hommes d’Etat. A travers les frontières – on s’en rend compte à mesure qu’on s’en éloigne – ils forment la véritable stature de la France, qui projette une ombre ou plutôt une lumière immense sur tout l’univers !


Avouez qu'à côté de la circulaire G.Attal... comme on dit : y'a pas photo !