Sauf que, oubli fréquent, surtout au Ministère, c'est sur de l'humain qu'on travaille ici, et la logique de l'humain n'est pas vraiment la même que celle des scientifiques. Décidément, André Gide avait bien raison de rappeler que "tout est dit, mais comme personne n'écoute, il faut sans cesse recommencer."

Or, cela fait bien une cinquantaine d'années qu'on sait, grâce aux travaux de Jean-Pierre Changeux ("L'homme Neuronal"), et de beaucoup d'autres, que des apprentissage ne s'installent pas de manière régulière, mais procèdent par bonds, imprévisibles tant en dates qu'en durées, entrecoupés de périodes de stagnation, voire, de régression, ce qui rend la notion de "mi-parcours", franchement ridicule, quasiment impossible à saisir.
Or, cela conduit à penser que les évaluations possibles ne sont envisageables qu'en fin de parcours, seul moment où elles peuvent avoir un peu de sens.

Il est clair que la culture de nos ministres ne remonte pas aussi loin et c'est navrant.
Alors les questions se posent...
Quand nos dirigeants vont-ils enfin cesser de repartir de zéro, comme si rien n'avait été fait avant eux ?
Quand vont-ils avoir l'humilité de penser que le monde a existé avant eux ?
Quand vont-il avoir l'intelligence de s'appuyer sur ce qui a été fait pour le prolonger, l'améliorer, voire le rectifier, mais avec une argumentation solide ?
Quand cessera-t-on de réinventer régulièrement l'eau chaude ?
Et, question déjà posée sur ce blog, à diverses reprises : quand les ministres de l'Education Nationale vont-ils se décider à s'intéresser à l'histoire de leur domaine ?
Bref, quand aurons-nous le plaisir de voir nos ministres, enfin dignes de confiance, ayant compris que, pour exercer leur ministère, un peu de culture historique, psychologique, pédagogique est indispensable ?
Il faut savoir que c'est possible : on l'a déjà vu. En fait, c'est même à deux reprises, au moins, dans notre histoire : en 1936 avec le front populaire, et Jean Zay au Ministère, puis à la Libération, en 1945, avec Henri Wallon... Depuis un "yoyo" de ministres plus ou moins cultivés sur l'école et son histoire, avec des "pics" catastrophiques (Blanquer), et le tristement banal d'aujourd'hui. Il est clair que les encouragements à faire entrer la démocratie dans l'école ne risquent pas d'importuner nos oreilles.

En tout cas, "les évaluation à mi-parcours" actuelles sont une erreur de plus.
Outre qu'elles n'apportent aucune information utile, et qu'elles consomment un temps précieux, pendant lequel les élèves ne travaillent pas (donc, perdu pour eux), elles sapent le moral de nombreux d'entre eux. Sans aucun profit pour personne.
Mais surtout, elles reposent sur un contresens fâcheux, celui qui continue de croire qu'en matière d'apprentissage, il y aurait un "mi-parcours", pour tous. C'est archi-faux : tous sont "sur la route des apprentissages", et pas au même endroit pour tous. On ne peut qu'attendre la fin de l'année, pour commencer à repérer à peu près ce qui a été vraiment acquis, et par qui — sans oublier que l'essentiel n'en sera visible que beaucoup plus tard.
En matière d'apprentissage, l'humilité s'impose pour l'enseignant, et les affirmations de rigueur nécessaire, en ce domaine, ne peuvent que faire sourire : jamais, au grand jamais, nous ne pourrons savoir ce que savent les élèves... Ça chiffonne et ça agace, mais c'est comme ça : en tant qu'enseignant, on a fait ce qu'on pouvait, c'est sûr. Mais pour nous, les résultats n'arriveront pas tout de suite.

C'est pourquoi aucune "évaluations à mi-parcours" n'apportera jamais la moindre information utilisable en classe : tout ce fourbi n'est que du vent pour faire chic, pour alimenter les chroniques sur les réseaux sociaux, pour faire croire qu'on maîtrise ce qui, en fait, nous échappe complètement...
En classe, avant d'évaluer, il y du travail d'enseignement qui attend, dont les élèves ont besoin, et sur lequel se joue leur avenir...
Surtout, perdre du temps à pratiquer ce type de prétendue évaluation, c'est faire fi de tout ceux qui on démontré combien elles étaient inutiles et dangereuses.
Et enfin, vouloir savoir ce que savent les élèves, n'est-ce pas, d'abord, le désir de contempler le résultat de notre propre travail ?
Alors, plutôt que de se plonger dans la contemplation de ce que nous croyons être nos exploits, n'est-il pas préférable de les approfondir, encore et encore ?

Le plaisir de cette contemplation, la véritable évaluation, elle arrivera des années plus tard, un jour où, alors qu'on n'y pensait plus, un élève, perdu de vue depuis des années, viendra vous en remercier. Tous les vieux profs ont vécu un jour une anecdote de ce type.

La prétendue évaluation de "mi-parcours" est du temps de perdu. C'est un étui vide, un mythe, une imposture.
Et l'on n'a vraiment pas de temps à perdre, avec de telles sottises.