De la "monarchie magistrale" et de ce qui s'ensuit... en lecture et ailleurs
Par Eveline, mardi 17 octobre 2017 à 07:55 :: Education, Ecole et Pédagogie :: #324 :: rss
Ce débat avec les partisans de "l'enseignement explicite", nouvelle théorie à la mode, qu'on croyait confidentielle, comme d'autres "innovations", plus ou moins scientifiques, révèle en fait un nouveau danger, notamment depuis que cette nouvelle "mode" a reçu l'aval d'une "pointure" dans ce domaine, Roland Goigoux, qui, au Café pédagogique de ce matin, affirme : je propose dans la conférence de différencier entre "méthode syllabique stricte" et une "approche de type syllabique", définie comme un enseignement explicite et progressif des correspondances phonèmes graphèmes.
Laurent, qui répond à cela en affirmant que, par-delà les divergences de méthode affichées, il y a, surtout, une contradiction de fond, sur la démocratie en classe, le respect de l’élève en tant que personne, l’effacement magistral qui permette aux élèves de se passer du maitre et le lent travail psychologique d’autonomisation de l’enfance scolarisée. L’efficacité didactique n’est que prétexte chez les partisans de la monarchie magistrale. Le maitre (nommé « Temps collectif en groupe classe »), le groupe, l’individu, ce n’est pas de l’éducation en communauté, c’est du dressage sélectif habillé de théories scientifiques », nous offre un de ces textes, costaud, dont il a le secret, qui ramène aux conséquences de certains choix pédagogiques en lecture.
Celle-ci est en effet doublement responsable de tous les échecs scolaires, puisque son apprentissage se situe à un moment particulièrement sensible de la vie d'un petit, et qu'il traverse toutes les disciplines. Voici ce texte.
Laurent, qui répond à cela en affirmant que, par-delà les divergences de méthode affichées, il y a, surtout, une contradiction de fond, sur la démocratie en classe, le respect de l’élève en tant que personne, l’effacement magistral qui permette aux élèves de se passer du maitre et le lent travail psychologique d’autonomisation de l’enfance scolarisée. L’efficacité didactique n’est que prétexte chez les partisans de la monarchie magistrale. Le maitre (nommé « Temps collectif en groupe classe »), le groupe, l’individu, ce n’est pas de l’éducation en communauté, c’est du dressage sélectif habillé de théories scientifiques », nous offre un de ces textes, costaud, dont il a le secret, qui ramène aux conséquences de certains choix pédagogiques en lecture.
Celle-ci est en effet doublement responsable de tous les échecs scolaires, puisque son apprentissage se situe à un moment particulièrement sensible de la vie d'un petit, et qu'il traverse toutes les disciplines. Voici ce texte.
LA GUERRE DE CENT ANS..ET PLUS...
Pour savoir marcher un nourrisson apprend-il le pas, l’enjambée, sa longueur, les règles du pas et les mérites de ceux qui se déplacent sans tomber ?
En famille, le nourrisson n’est opposé à aucun camarade pour apprendre la marche, la propreté et la parole. Tout le monde « réussit ». Etonnant !
A l’école, l’ancien nourrisson est mis en compétition avec la totalité de ses camarades de classe pour les apprentissages scolaires.
Seuls les meilleurs gagnent, « réussissent » ce dit-on.
Pourquoi et comment perdre (échouer) ?
En France, il faut se lever tôt et parcourir un vaste territoire pour rencontrer un individu isolé, unique, qui pense que lire est un acte intelligent, réfléchi et sensé. L’opinion publique, mais aussi les professionnels de l’enseignement de la lecture, les médecins, les écrivains, les éditeurs, les libraires, les bibliothécaires, les intellectuels, tous ceux qui font métier de lire ou d’être lu, diplômés en pédagogie, en psychologie et en tout domaine de la pensée, croient comme charbonnier que lire est une activité réflexe et mécanique qui s’apprend par dressage de l’oreille.
Du moins à l’école primaire où, par tradition, tout doit se passer comme nulle part ailleurs. A la messe phoniste l’église est pleine. Lire est-ce penser en mobilisant son intelligence à partir d’un regard activement posé sur un texte ou émettre des sons avec la bouche à destination de l’oreille à partir de syllabes isolées par un doigt, sans réfléchir ? « La méthode » impose la syllabation sonorisée sans réflexion. L’oreille étant définie comme l’organe prioritaire de la lecture, l’enfant apprenant se contraindra par « devoir » à réduire sa vision au champ parcellaire du cyclope. Pourquoi ne lui laisse-t-on pas le choix ?
Réussir sa scolarité dans un système scolaire compétitif, c’est gagner contre les traquenards d’un procédé de syllabation appelé « méthode ». Dans cette compétition qui occupe à temps plein, l’éducation est-elle la question prioritaire ou hors sujet ? Au CP un enfant sur cinq ne réussit pas à déchiffrer avec la méthode préférée de sa maitresse, celle qu’elle a « librement choisie ».
Tenter d’apprendre ce qui n’a pas de sens, exploit qui n’est pas à la portée du premier venu, même adulte, fait rater, constante macabre, leur premier apprentissage scolaire à quatre élèves par CP de vingt en moyenne partout en France, malgré la « diversité » des méthodes de déchiffrage proposées sur le plateau de l’offre commerciale.
Cette « endémie » chronique devrait faire douter, questionner, interroger d’autant que l’échec n’en restera pas au déchiffrage des méthodes. Toute leur scolarité, enfoncés dans le bourbier de la syllabation, égarés, trompés, abusés, âmes en peine conditionnées à apprendre par cœur, les déchiffreurs scolaires erreront sans comprendre ce qu’on leur enseigne et ce qui leur arrive, perdant l’humanité acquise dans les bras de leurs mères, loin des stratégies efficaces et nécessaires pour s’instruire en comprenant, en construisant du sens humain.
Pendant qu’ils pataugent, les autres en s’appuyant sur leur savoir-lire « déjà-là », selon la formule d’Éveline, « réussissent » sans effort leurs déchiffrages. Ils peuvent se livrer sans crainte et sans rire au stupide jeu du bruit de la lettre (sic). L’enfant qui déchiffre sans se tromper est un lecteur qui reconnait le mot en le lisant avant de l’oraliser. Celui qui bute sur les mots est un déchiffreur non lecteur dans l’incapacité d’oraliser ce qu’il n’a pas appris à lire préalablement au déchiffrage.
Coïncidence, détermination ou cible désignée par leur origine ouvrière, les élèves « en échec » dans, et par, un apprentissage toxique sont depuis toujours, depuis que l’école enseigne la « lecture », des enfants du peuple. Comment peut-on penser qu’il soit possible de déchiffrer « ville » et « bille », « mille » et « famille », « sens » et « sans », « chat » et « chaos », « cachot » et « cahot », « lien, lient » et « client », avant de les avoir lus ? Pour entrer dans l’intelligence du monde les enfants ont besoin de l’intelligence de l’écrit, tous, et pas seulement ceux des cadres et des enseignants. On n’apprend pas à lire avec quelqu’un qui enseigne « la méthode », on apprend en lisant avec quelqu’un qui lit. Est-ce ainsi que l’école instruit en lecture ?
Tir sans sommation
Le Cours préparatoire est le champ sur lequel les classes dominantes mènent la première bataille de la lutte des classes contre le peuple. Tous les ans en septembre, c’est Pearl Harbor sans déclaration de guerre. Débutants ou anciens, les maitres de CP, quelle que soit leur origine sociale, le plus souvent femmes spécialisées dans cet enseignement, dociles et loyaux envers leur maison-mère de substitution, l’école, vont utiliser, à leur insu, contre tout ce qui fait message et a du sens, une arme de guerre qui ne blesse que les enfants du peuple et leur ôte la parole, sachant que les autres apprennent en famille à se protéger de la méthode par la lecture.
Par secret d’école, pour prévenir les fuites, on l’appelle « méthode de lecture ». Passé la maternelle, toute parole réfléchie ou spontanée qui ne répondrait pas à une question deviendra subversion à censurer. Il n’y a pas meilleur patriote et bon soldat de l’idéologie dominante qu’un ancien bon élève devenu prof. La stratégie de syllabation et de déchiffrage approuvée et plébiscitée a pour effet de priver la classe ouvrière de l’accès à la communication écrite, aux textes et à la culture. Cette déprivation culturelle déclenche une lente et progressive atrophie de l’intelligence individuelle et collective de la classe dominée.
Depuis que la fréquentation de l’école maternelle, qui n’est pas soumise à l’impératif des méthodes de syllabation, s’est généralisée, des enfants sans surveillance pourraient apprendre à lire par contact direct avec des messages écrits. Pour empêcher ces échappées, les généraux de l’armée de l’ombre ont inventé une arme « scientifique », l’enseignement préalable de la phonologie. Leur stratégie est de développer la « conscience phonologique » en bas âge, pendant les années pré-élémentaires de maternelle.
Avec cette nouvelle arme, appelée « outil », à 4 ans on « apprend », en asphyxiant son intelligence, à traiter prioritairement le langage d’un point de vue strictement phonologique, comme matériau sonore, indépendamment du sens qu’il véhicule, très secondaire. Trop occupés à « développer une habileté » à segmenter et manipuler phonème, rime et surtout syllabe, les jeunes enfants ne chercheront pas à construire du sens dans l’écrit. Ils l’ignoreront en amont et en aval du CP.
Plus tard on utilisera le « principe alphabétique » pour achever la destruction de l’intelligence de ces « défavorisés ». Si ce n’est pas assez destructeur, on fera utilement « lire » des « non-mots », munitions de réserve, pour les dissuader définitivement de trouver du sens dans l’écrit. Par la phonologie et la syllabation les « scientifiques » et les « philosophes » de l’école parviennent sans difficulté à convaincre les professionnels de l’enseignement et les élèves qu’on peut et doit apprendre à lire sans lire et à « lire » sans comprendre. Après le mitraillage phonologique, les fantassins d’élite de la maternelle et du CP ne savent pas qu’ils ont touché la cible et mis hors jeu 20 % d’enfants, adversaires de classe. Les blessés ignorent qu’ils sont intellectuellement neutralisés, hors compétition et hors combat. Les officines dites de remédiation les achèveront. On peut aussi compter sur les mercenaires et bénévoles de la syllabation. Tous s’activent à une sélection négative par élimination précoce des apprenants de famille ouvrière.
Quand on veut vraiment guérir les « pathologies » de la lecture et leurs séquelles on cesse d’enseigner la langue écrite comme une transcription graphique du français oral. On informe les élèves que l’écrit est une langue en soi, une représentation graphique de la pensée. C’est la rupture avec la tradition scolaire, le conservatisme et l’idéologie dominante. Fini le décodage, le « code » et les « mécanismes » de lecture ! Désormais, lire, ce sera penser avec les yeux sans phonologie, sans les oreilles, comme le font les sourds. On apprendra à lire comme on apprend une seconde langue. On ne décodera pas à haute voix, on ne subvocalisera pas en remuant les lèvres. La lecture « silencieuse » n’est pas un déchiffrage sonore dont on supprime le volume. Toute lecture personnelle est silence. Qu’entend-on dans les bibliothèques ?
Qui est responsable, les enseignants, leur encadrement, leur ministre, l’administration, les marchands, les savants dits de l’éducation, les philosophes de la scolarité sélective, les idéologues des classes dominantes, les gardiens du temple et des traditions ? La coalition de classes a pris une telle ampleur que les responsabilités sont multiples. Les chercheurs autorisés, soucieux d’écarter ces déterminants associés, ont trouvé de multiples causes à l’échec scolaire en général, à l’échec lecture en particulier, toutes intrinsèques à l’individu. L’industrie du traitement de l’échec, qui connait un succès grandissant, fonctionne sur leurs explications.
Hormis les cas de pathologie diagnostiquée, sans corrélation avec l’échec scolaire en France, la cause majeure et majoritaire est-elle interne à l’individu ? Cette activité scolaire qui n’est ni de la lecture, ni de l’éducation, qui déclenche tant d’engouement et de succès commercial auprès des adultes, cette pratique didactique qu’ils appellent « méthode de lecture », bric-à-brac servant à l’enseignement de la syllabation, peut-on la qualifier d’éducative ? Faut-il aider les élèves, en difficulté avec les méthodes, à s’adapter à un enseignement inadapté ? Pourquoi tant d’enthousiasme chez tant de militants pour une pédagogie commerciale qui fait obstacle à l’apprentissage de la lecture ?
La connaissance ne trouve pas place dans les esprits occupés par la croyance.
Laurent CARLE
Commentaires
1. Le mardi 17 octobre 2017 à 09:37, par alain l.
2. Le mardi 17 octobre 2017 à 18:11, par Charbonnel
3. Le mardi 17 octobre 2017 à 18:53, par Julos
4. Le mardi 17 octobre 2017 à 21:10, par Benjamin Barbier
5. Le mercredi 18 octobre 2017 à 10:31, par Laurent CARLE
6. Le mercredi 18 octobre 2017 à 11:36, par Oum Kalsoum
7. Le mercredi 18 octobre 2017 à 11:48, par Eveline
8. Le mercredi 18 octobre 2017 à 13:41, par J. Limido
9. Le mercredi 18 octobre 2017 à 13:50, par Benjamin Barbier
10. Le mercredi 18 octobre 2017 à 17:57, par Laurent CARLE
11. Le mercredi 18 octobre 2017 à 18:58, par Julos
12. Le mercredi 18 octobre 2017 à 22:25, par alain lagarde
13. Le jeudi 19 octobre 2017 à 07:26, par Eveline
14. Le jeudi 19 octobre 2017 à 08:06, par alain l.
15. Le jeudi 19 octobre 2017 à 08:59, par Eveline
16. Le jeudi 19 octobre 2017 à 15:32, par Julos
17. Le jeudi 19 octobre 2017 à 17:58, par Laurent CARLE
18. Le vendredi 20 octobre 2017 à 12:18, par Dominique Grandpierre
19. Le vendredi 20 octobre 2017 à 13:19, par alain l.
20. Le vendredi 20 octobre 2017 à 15:33, par Julos
21. Le vendredi 20 octobre 2017 à 18:36, par Laurent CARLE
22. Le vendredi 20 octobre 2017 à 18:52, par Laurent CARLE
23. Le vendredi 20 octobre 2017 à 23:34, par alain lagarde
24. Le samedi 21 octobre 2017 à 13:56, par Pierre Frackowiak
25. Le samedi 21 octobre 2017 à 14:42, par Péji
26. Le lundi 23 octobre 2017 à 09:30, par Dominique Grandpierre
27. Le lundi 23 octobre 2017 à 12:00, par Oum Kalsoum
28. Le lundi 23 octobre 2017 à 13:15, par Laurent CARLE
29. Le lundi 23 octobre 2017 à 14:41, par Julos
30. Le mardi 24 octobre 2017 à 10:42, par Pierre Frackowiak
31. Le mardi 24 octobre 2017 à 19:13, par David.S
32. Le samedi 28 octobre 2017 à 15:53, par Laurent CARLE
33. Le lundi 30 octobre 2017 à 20:19, par Sébastien Lemoine
34. Le mercredi 1 novembre 2017 à 16:19, par Sébastien Lemoine
35. Le mercredi 15 novembre 2017 à 22:02, par Alain Miossec
36. Le jeudi 7 décembre 2017 à 09:00, par Josef
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