Un bond de quelques lettres de l’alphabet pour parler, non point de « jardinage », mais de ce « jardin secret » que chacun porte en soi, et dont la nécessité est parfois rejetée au nom de certaines conceptions de l’amour.
Je suis toujours surprise d’entendre affirmer : « je suis incapable de cacher quelque chose à ma femme !! »
Impossible à croire, car ou bien c’est largement faux, ou bien c’est très dangereux.
Il n’est pas sain, même pour celui qu’on aime plus que tout, d’être si transparent. Notre part d’ombre est nécessaire à notre « épaisseur », à notre authenticité et à notre équilibre.
Il est vrai, certes, qu’on est tous passés par là, dans l’exaltation des premiers projets de vivre ensemble : « On ne se cachera rien, on saura tout l’un de l’autre, » etc. etc.
Et puis, assez vite, on s’aperçoit que les choses ne sont pas si simples.
En fait, l’erreur vient de ce que l’on s’imagine que l’autre ne fait que recevoir ce qu’on lui dit, pour l’archiver et se réjouir de la confiance dont il est ainsi l’objet…
C’est oublier que l’autre ne fait pas que recevoir, — ce n’est pas un réceptacle ! —. Il réagit, avec sa sensibilité, ses a-priori, ses craintes, et en quelque sorte reconstruit à sa façon ce qu’on lui a confié.
Et, assez souvent, cela déclenche des réactions en chaîne, qui peuvent devenir incontrôlables, et conduire au drame.
Même si je peux prouver que rien de répréhensible ne s’est produit, dès que je raconte à mon bien-aimé les tentations de tendresse un peu poussée ou de désirs, que j’ai pu avoir pour un autre, cet aveu, par sa formulation même, actualise la chose, lui donne une vie, une réalité, qui se met à mousser dans la tête du partenaire et prend une dimension sans rapport avec ce qui s’est passé.
Cette prétendue marque de confiance est en réalité une blessure, dont les effets peuvent être irrattrapables.
Mais alors, direz-vous, il faut lui mentir ?
Pas du tout !
Le véritable amour se nourrit de confiance : personne n’appartient à personne. Et le premier devoir que l’on a envers celui que l’on aime, c’est de respecter sa personne et sa part d’ombre. Je dois être capable de tout entendre de ce qu’il veut bien me dire, mais de ne jamais mener d’interrogatoires policiers pour en savoir davantage. On ne fait pas les poches de celui avec qui on vit ; on n’ouvre pas son courrier et on ne lit pas ses mails.
Ce respect de l’autre, de son intégrité, est, du reste tout aussi essentiel vis à vis de nos enfants.
En fait, nous sommes au cœur de plusieurs « bulles », celle de la famille, celle des amis, celle de l’Ami, celle des collègues etc. Et il n’est pas bon que l’une enferme toutes les autres. Comme les enfants, précisément, nous avons besoin parfois de nous réfugier dans une autre bulle, faite de mots ou de rêves, où la vie fonctionne autrement que dans la grande de notre quotidien. Et aimer quelqu’un, c’est aussi respecter ce besoin.
Et non seulement, cela ne retire rien à l’Elu, mais c’est aussi une condition pour que les échanges avec lui soient riches et enrichissants. « Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente » dit Saint Exupéry. Et si je suis transparent à l’autre, il n’y a plus de différences.
Et pour finir, donnons la parole au grand Georges :
Toi l'épouse modèle, le grillon du foyer
Toi qui n'a point d'accrocs dans ta robe de mariée
Toi l'intraitable Pénélope
En suivant ton petit bonhomme de bonheur
Ne berces-tu jamais, en tout bien tout honneur,
De jolies pensées interlopes
De jolies pensées interlopes...
(…)
N'aie crainte que le ciel ne t'en tienne rigueur
Il n'y a vraiment pas là de quoi fouetter un cœur
Qui bat la campagne et galope
C'est la faute commune et le péché véniel
C'est la face cachée de la lune de miel
Et la rançon de Pénélope
Et la rançon de Pénélope...
Les pensées interlopes, nécessaires à notre équilibre ? Faut réfléchir !!