Le titre, un peu inattendu, évoque un faisceau de "petites choses discriminantes", liées aux origines ethniques des élèves, petites choses produisant de grand effets.
Or, le premier étonnement qui saisit devant une telle affirmation, est que que ces origines sont généralement très mal connues des enseignants. Normal : il est quasiment interdit de les communiquer, et ce, depuis toujours. Aujourd'hui, encore : l'article rappelle que nombreux sont les spécialistes qui se heurtent à une « crispation » du ministère de l’éducation nationale sur ce sujet, au point que celui-ci a refusé de répondre à la journaliste souhaitant des précisions. Selon la formule d'un des chercheurs: « Pour eux, ça n’existe pas. Quand on demande des données, on nous répond que l’école républicaine n’a pas à s’en préoccuper». Les vieux professeurs, dont je fais partie, ont été effectivement formés à cette idée, que l'école de la République, doit recevoir tous ses enfants dans une rigoureuse égalité. Il paraissait donc souhaitable pour les enseignants, qu'ils n'aient qu'un minimum d'informations sur les origines de leurs élèves, de manière à éviter tout a-priori, né des opinions stéréotypées que chacun peut avoir sur telle ou telle ethnie.

Un raisonnement qui n'est logique qu'en apparence : il fait écho à celui, encore en pratique, à l'égard des enfants que l'on pense protéger des drames se produisant chez eux, en ne leur en parlant pas.
Il faut bien mal connaître les enfants, pour ne pas savoir que, même tout jeune, quand il se passe des choses graves chez lui, un enfant le SAIT toujours, plus ou moins consciemment : l'ambiance de la maison l'avertit. Et si personne ne lui en parle, alors, le champ est laissé libre à tous les égarements de son imagination inquiète, et cela peut être très dangereux pour lui.
De la même manière, on est en droit de penser que le fait de n'informer qu'à minima, des milieux familiaux des élèves, laisse précisément une entière liberté aux stéréotypes de tout poil, présents à l'école, comme ailleurs, et ce, d'autant plus, la plupart du temps, que l'origine ethnique est considérée comme se voyant à l'œil nu, ou du moins qu'un certain nombre de caractéristiques physiques passent, dans l'opinion publique, pour être des indicateurs de cette origine. Une triste et atroce confirmation en fut donnée en France, dans les années 40, sous l'occupation nazie.

De fait, c'est exactement, ce qui se passe : moins on est informé, plus on consomme de stéréotypes.
Chacun en a entendu d'innombrables, comme le fait que les asiatiques seraient meilleurs élèves que les nord-africains (donc race supérieure ? ) — oubliant que les familles concernées dans l'un et l'autre cas, n'ont pas du tout le même statut social, ni le même type de projets : pour immigrer en France depuis l'Asie, il faut avoir des moyens, et c'est souvent pour les augmenter encore, que les familles arrivent en France, tandis que les Nord-Africains arrivent chez nous, quasiment contraints par la misère, qu'ils cherchent à fuir.
Mais, chose plus grave, ces idées toutes faites génèrent des comportements discriminants, dont les enseignants eux-mêmes n'ont pas conscience, ou ce qui est pire, qu'ils utilisent parfois pour ce qu'ils pensent le "bien" de ces élèves.
Par exemple, et c'est développé dans l'article, ont été observées des pratiques de discrimination "indirecte", consistant à "ajuster" leur enseignement à la perception qu'ils ont du niveau des élèves issus de l'Immigration : sont évités pour eux les exercices plus difficiles et plus abstraits ; les productions d’écrits sont bien moins nombreuses que celles des établissements favorisés.
En fait, on connaît bien ce comportement d'adaptation du travail demandé aux prétendues possibilités des élèves : c'est un contresens très répandu, lié aux lacunes de la formation psycho-pédagogique des enseignants : penser que la facilité aide les élèves. C'est tout le contraire : la facilité retarde la rencontre avec les vraies difficultés et rend celles-ci plus difficile encore. A condition qu'elle soit partagée, et que l'erreur soit admise et travaillée ensemble, les enfants aiment la difficulté qui les valorise.
La vraie cause de ce contresens est l'existence de la note, (le "prix") qui prend la place du "résultat" (le savoir acquis), complètement occulté, pour les élèves, l'enseignant et les parents, par cette note, dont on ne dira jamais assez les ravages et les injustices qu'elle engendre.

Comment remédier à cet état de faits, mineurs en apparence, mais, en réalité, très lourds de conséquences ?

Une fois de plus, la preuve est là : savoir vaut toujours mieux que ne pas savoir. Et que l'Éducation Nationale puisse penser le contraire, elle dont la charge est de diffuser la connaissance, n'est donc pas à son honneur.
Il importe donc de faire changer cette détestable croyance officielle, et d'apporter aux enseignants une véritable information objective, précise, sur ce que les enseignants ont besoin de savoir de leurs élèves. Or, ce n'est pas vraiment leur "ethnie d'origine" (sans intérêt, en soi !), qu'il leur faut connaître, mais la culture qui a baigné leur petite enfance, les lieux où ils ont vécu, la langue que parle leur famille, les voyages qui furent les leurs, autant de détails essentiels pour l'enseignant, qui se doit de les évoquer, et s'en servir, dans le travail mené en classe.
On sait que, pour apprendre tout enfant doit retrouver en classe des choses lui appartenant.
Et que ces données soient ou non fournies, il faut impérativement, en plus, une conception de la pédagogie qui permette de les apprendre de l'intérieur, des enfants eux-mêmes, une pédagogie de la parole libérée, une pédagogie qui s'appuie sur ce qu'ils connaissent, où ils se retrouvent et où ils peuvent se sentir chez eux dans leur classe...

Sans cela, échec scolaire et discrimination, continueront de régner en maîtres dans l'école.