Rappelons-le : la suppression des notes ne saurait être le seul élément à changer dans l'école. Mais c'est sûrement un bon point de départ dans cette direction, la maille rongée qui emporte le reste... Et puis, comme le dit si joliment Albert Dupontel (1), la note, c'est devenu une mode ridicule : on note tout et tout le monde aujourd'hui, les élèves, les profs, les établissements, les conserves...
C'est une folie, une "addiction" dit Charles.
Mais quelle stratégie adopter, pour s'en débarrasser ?
Le coup de pied de Benjamin ou la transition de Charles que voici, et qui commence sa démonstration d'une façon fort inattendue, selon une habitude qui lui est chère...?

A la question : "faut-il supprimer les notes ?", ma réponse surprend les stagiaires que je rencontre : "NON… Pas tout de suite..."
Il s’agit de faire une cure de désintoxication de l’institution car les profs, les parents (voire les experts théoriques et les autorités) n’ont jamais vécu leur scolarité sans jugement chiffré et surtout n’ont jamais conduit eux-mêmes des cohortes d’élèves débarrassées du chantage de la notation comme j’ai pu le faire.
Gavés par la notation qui leur a réussi ou qu’ils ont sublimée, ils peuvent chercher des accommodements à l’évaluation chiffrée mais ils ont une peur bleue d’un sevrage complet : ils inventent des couleurs, des++, des+/_ et gardent les interros partielles et partiales. Pour eux, ôter la notation c’est encourager la paresse... et ils ont raison, s’ils ne changent rien dans leur manière d’enseigner.
En effet, l’élève imprégné d’esprit de spéculation, c’est-à-dire chez qui on a installé comme un réflexe conditionné : « travail=points », réagit normalement quand il étudie si des bonnes notes sont à gagner et modère ses ardeurs studieuses s’il n’est pas payé. Il se met en veilleuse comme d’autres se mettent en grève s’ils ne reçoivent pas le salaire escompté.
Que faire pour sortir de l’addiction aux notes ?

Comme tout sevrage, c’est difficile et ça nécessite de l’accompagnement car il faut mêler raison et sentiments.


Suit ici une longue liste de propositions, dont voici quelques exemples.

* Eviter de juger les collègues qui restent accro(ché)s aux notes, de leur donner des leçons de morale.

* Rechercher, en équipe, les avantages et les inconvénients du maintien ou de la suppression du paiement par des points.

* Collectionner les témoignages de pédagogues qui ne notent plus, mais qui inventent mille façons d’apprendre.

* Découvrir en équipe professorale que la loi (sauf en Suisse) ne fait pas de la notation une obligation, et qu’aucun prof n’a appris à noter.

* Rechercher la littérature qui défend la notation, et celle qui prône sa suppression.

* Éviter d’apeurer les parents par trop d’empressement à bannir le paiement du rendement scolaire mais montrer par l’usage du portfolio, par des ateliers de réflexion, des films, des rencontres personnalisées, des témoignages, que la communication école/famille gagne en qualité une fois débarrassée de l’illusion du langage des nombres, notes abondamment manipulées dans l’école traditionnelle.

* Ne plus croire à la fiabilité des notes, ni y faire croire les élèves et les parents.

* Rendre la note de plus en plus rare ; ainsi ne plus noter les devoirs (avant de les supprimer et de les remplacer par des recherches libres à communiquer aux condisciples).

* Changer les pratiques basées sur la compétition, la transmission docilisante des savoirs tout faits, pour installer la recherche difficile et rigoureuse, en donnant la priorité à l’initiative, la concertation, à l’enthousiasme. Donc motiver fortement pour que la note ne soit plus nécessaire pour faire apprendre. En d’autres termes, il s’agit de remplacer la motivation d’excitation par la motivation d’incitation.

* Constater que les élèves se détournent vite de l’appât des points lorsque les cours sont passionnants.

* Déscolariser l’institution pour mieux développer la culture où les notions-mères elles-mêmes sont culturelles, donc incommensurables. On ne note pas la façon d’apprécier une œuvre d’art, un enthousiasme, une façon d’aimer.


Et il termine son texte par ce superbe ensemble question/réponse :

Pourquoi quitter le mesurage de l’humain ?
Pour créer, dès l’enfance, une société plus créative et solidaire, moins mercantile, dont le monde a besoin pour affronter le Futur.


Parmi toutes ces propositions, en voyez-vous qui pourraient être mises en application facilement et sans tarder ?
En avez-vous d'autres à ajouter ?
Avez-vous des idées sur les moyens de motiver collègues et parents sur ce point ?
De façon générale, quelle stratégie vous semble préférable et pourquoi ?
Ensemble, on devrait pouvoir y parvenir : aidons-nous les uns les autres, et le Ciel nous aidera peut-être...

N.B. On ne peut pas ne pas ajouter l'énorme travail accompli par Maria-Alice Medioni, à partir des écrits de Charles, et de ses propres recherches.

http://ma-medioni.fr/article/notation-sont-resistances-commencer-ne-faut-il-pas-justement-commencer

https://ma-medioni.fr/ouvrage/evaluation-formative-au-coeur-du-processus-apprentissage

(1) https://www.youtube.com/watch?v=vrus2Jwi67A