Il est clair que l'emploi du verbe "privilégier", suivi de la préposition "avant" n'exclut en rien le recours à la sanction disciplinaire prévue précédemment : le verbe conserve quelque chose de facultatif, et la préposition rappelle l'existence toujours possible de la sanction.
Quant au terme de "rappel", qui implique un "oubli" de cette loi, — et donc une faute civique : nul n'est censé ignorer la loi — son autoritarisme incontestable annule toute notion de dialogue, et tout espoir de discussion réellement ouverte.

Mais, comme presque toujours quand il s'agit de formulations contestables, ce sont les présupposés qui sous-tendent la formulation qu'il faut chercher, pour en repérer la légitimité.
Question : pour savoir où en sont les élèves, dans l'acquisition des savoirs enseignés en matière de lecture (ou de tout autre domaine), la manière de pratiquer les évaluations nécessaires peut-elle être inscrite dans la loi ?
Les élèves, étant des personnes humaines, porteuses chacune d'une histoire personnelle, évidemment différente d'un élève à un autre, ne peuvent être mesurés comme des objets, à l'aide d'un outil valable pour tous, et imposé d'en haut.
Imagine-t-on que la santé des français, par exemple, soit vérifiée régulièrement par des protocoles d'évaluation officielle, envoyés par le Ministère, et imposés dans les hôpitaux, sous peine de sanctions disciplinaires ?
Pourquoi ce qui paraît ahurissant de bêtise pour la santé, peut-il devenir la loi pour ce qui est encore plus personnel, l'acquisition d'un savoir, comme le savoir lire ?

Si l'on ajoute que tous les travaux sur l'évaluation des élèves ont mis en évidence deux réalités psychologiques, en matière d'apprentissage : d'abord que le stress gêne celui-ci au point de le bloquer parfois, et que toute situation d'observation jugeante, comme l'évaluation, est source de stress pour tout le monde, sans exception, force est d'admettre qu'une évaluation — dont il n'est pas question de nier la nécessité — se doit d'être effectuée de manière extrêmement délicate et respectueuse des enfants et qu'elle ne peut se faire qu'avec leur participation, c'est-à-dire leur propre regard sur leurs savoirs.

La conclusion s'impose : seul leur enseignant, qui est, rappelons-le, un professionnel de l'enseignement, est à même de concevoir les modalités de cette observation, forcément différente selon les régions, les populations d'élèves, et les données particulières de chaque classe. Ce type d'évaluation qu'on nomme "formative", fait du reste partie des obligations du métier d'enseignant, en tant que composante incontournable du processus d'apprentissage.

Il est donc exclu que ses modalités puissent, en tant que telles, appartenir à la loi.

Les évaluations officielles, dont la fonction est d'être certificative de savoirs acquis, sont des "laisser-passer", donnant des droits, celui d'exercer une profession, ou celui d'entrer dans un cycle d'études différent.
Elles n'ont de sens qu'en toute fin d'études : à l'école primaire, elle peuvent, à la rigueur, exister en fin de cycle, (et non en fin de CP : le CP n'est que la première année du cycle des apprentissages fondamentaux.) pour permettre le passage dans le cycle suivant — ce qui, au vu de l'âge des enfants du primaire, encore très fragiles psychologiquement, constituerait déjà une source de stress, non dépourvu de danger.

Faut-il rappeler en outre que le seul argument pouvant justifier des évaluations en cours d'apprentissage, vient de la théorie dite "d'empilement des savoirs", selon laquelle les savoirs s'acquerraient les uns après les autres, pour se stocker dans je sais quel réservoir ? Cette théorie est dénoncée de façon incontestable — et incontestée — depuis bientôt quarante ans.
Notre équipe ministérielle semble un peu en retard dans ses savoirs.

Des évaluations officielles n'ont donc jamais leur place à l'intérieur d'un cycle d'apprentissage.

Il est intolérable de constater qu'une équipe ministérielle peut ignorer — ou oser faire semblant d'ignorer — les diverses fonctions d'une évaluation et les conséquences que ces fonctions entraînent sur les modalités de conception et de passation.
Non seulement, l'idée même de sanctions, pour ceux qui feraient convenablement leur métier (ce que la loi demande !), en pratiquant eux-mêmes les évaluations qu'ils jugent nécessaires, au moment où elles leur paraissent telles, est intolérable, mais il est impensable qu'un enseignant, convaincu de ce que signifie le verbe "évaluer" en matière d'apprentissage, puisse accepter de faire passer de telles évaluations officielles, totalement contraires à l'éthique de son métier.

Au secours, Anatole ! Reviens : on a besoin que tu rappelles à tous combien il est beau qu'un enseignant désobéisse à des ordres, si absurdes qu'il en deviennent criminels.