Malgré tous mes efforts, malgré mes quelques dix années d’expérience, je me retrouve un peu perdu et sans solution … Je ne sais pas faire ; je ne sais pas comment organiser ces séances de soutien pour que les élèves ne les vivent pas comme une punition ; pour qu’il y ait du dynamisme et un peu de plaisir …
Je ne veux pas faire comme ces quelques collègues qui se débarrassent du problème en « collant » les élèves désignés, pendant une heure hebdomadaire, devant un ORTH …
Pour vous préciser le contexte : au collège, nous avons très peu de moyens pour mettre ce soutien en place : une seule heure, commune à tout un niveau (5ème), et pour un seul enseignant. C’est presque rien, donc …
Il me faut donc, sur ce niveau, « prendre » quelques élèves de chaque classe et organiser tant bien que mal un « soutien ». Ne connaissant pas vraiment les élèves qu’on m’envoie, j’ai beaucoup de mal à cerner leur profil et leurs difficultés particulières. Et, asphyxiés comme nous le sommes, nous n’avons même pas le temps de nous concerter entre collègues ; tout se fait à la va vite …
De mon point de vue, c’est du n’importe quoi.


Je pense qu'il n'est point nécessaire d'avoir son brevet de contestataire, pour être de son avis. C'est n'importe quoi... Mais voilà, c'est obligatoire, et sur ce point, on a pu voir que la liberté était plutôt limitée. Il est vrai qu'on se met facilement dans la peau du Principal qui souhaite de moins en moins voir des vagues importunes compliquer sa propre tâche.
Comment faire ?
Il s'agit donc d'éviter les conséquences difficiles de la désobéissance, sans pour autant se laisser aller au n'importe quoi qui ne peut qu'aggraver les difficultés des élèves... et des profs. Douloureuse dialectique qu'il faut pourtant affronter.

Suivent alors, dans le mail, les questions suivantes, bien précises, que plus d'un collègue, sans doute, se pose aussi :
* A votre avis, est-ce qu’une telle séance hebdomadaire de « soutien » peut avoir un sens ? En effet, nous pourrions peut-être utiliser ce peu de moyens à tout autre chose …
* Plus anecdotique : puisque les termes même de "soutien" ou "remédiation" ne conviennent pas vraiment, quel nom donner à ces séances ?
* Comment « sélectionner » les élèves qui y participent ? Comment faire le diagnostic ?
* Comment, ensuite, envisageriez-vous ces séances, en français, pour qu’elles aient le plus de sens - le plus d’impact positif possible?
* Vous semblez privilégier les travaux en groupes : sous quelles formes, alors ?
J’ai en effet déjà tenté de les mettre en groupe, mais c’est assez difficile car, venant de classes différentes, ils se connaissent peu. Et, du coup, pour tout ce qui est ateliers d’écriture, travaux communs, je trouve qu’il y a peu de dynamique – je ne retrouve pas l’élan qu’il peut y avoir dans une classe soudée et bien constituée.
* Ces séances doivent-elles être évaluées ?
* Existe-t-il une bibliographie à ce sujet ?


Je ne propose ici que quelques "propositions", que je soumets au débat, et dont je sais qu'elles sont parfaitement envisageables, sous réserve, naturellement, que l'administration du collège l'accepte.
Les points faibles du projet officiel sont nombreux, à commencer par le nom qu'on lui donne en effet (et les noms ne sont jamais innocents : ils influencent la pensée).
Si l'on veut installer dans l'établissement, une instance d'aide aux élèves, nommons-là plutôt "Bureau d'aide scolaire", ou quelque chose d'approchant, qui renvoie à la vie sociale et non à la vie scolaire, ce qui fait replonger dans la routine des corrigés plus ou moins types, et des notes-sanctions. C'est pour cela que je n'aime pas le terme de "remédiation", même si son étymologie n'a rien à voir avec des "remèdes", c'est ainsi qu'il est reçu, et en langage comme ailleurs, c'est la réception qui compte.
Un second point faible crève les yeux, fort pertinemment repéré par mon collègue : celui de la désignation des élèves susceptibles de bénéficier de ce "soutien". Outre le fait que les critères à utiliser sont loin d'être fiables, ceux qui préconisent une désignation effectuée par les enseignants ignorent assurément les ravages que peut causer toute étiquette collée sur un enfant — ou un adulte, du reste ! — et les travaux relatifs à l'Effet Pygmalion n'encombrent pas leur mémoire, ni leurs convictions. Pour moi, la seule solution serait de faire de ce bureau d'aide, un lieu ouvert à l'horaire désigné, auquel les élèves s'inscriraient librement, selon un "menu" affiché à l'avance et mis à la disposition de tous. Je vais même jusqu'à penser que pourraient s'y inscrire, non seulement ceux qui ont des problèmes, mais aussi ceux qui n'en ont pas et qui pourraient mettre leurs savoir à la disposition de leurs camarades : interactions, solidarité, liberté me semblent des conditions susceptibles de faire, de ces heures imposées officiellement, un facteur de changement d'ambiance dans les établissements scolaires.

Un autre point faible, c'est évidemment le caractère individuel de cette aide — ce que le Pouvoir nomme, d'un terme propre à flatter le besoin de distinction de chacun, une "aide personnalisée". Ne nous y trompons pas : ce terme est un moyen de plus de faire retomber sur l'élève seul la responsabilité de son échec. S'il y a une chose dont les élèves n'ont aucun besoin, c'est bien d'une aide personnalisée, qui les enferme dans leur propre infériorité. Ils ont besoin au contraire d'une aide fraternelle, et interactive : l'enseignant aussi — plus que l'élève ! — est en difficulté, et c'est avec les autres qu'ensemble, des solutions peuvent être trouvées.
On le sait, on n'apprend rien tout seul. Et puis, de toute façon, il ne peut s'agir d'aller écouter des explications, mais de se mettre à rechercher à plusieurs des solutions à des problèmes ludiques... Et puis, ce sont les pairs qui se font le mieux comprendre... Même si les élèves se connaissent peu ou pas, le meilleur moyen de faire connaissance, c'est d'avoir à travailler ensemble sur un projet commun, à condition que le groupe soit hétérogène et qu'il contienne une ou plusieurs "locomotives"...
Bien entendu, jamais d'évaluation de ces séances. En revanche, elles devraient, selon moi, faire l'objet de comptes-rendus, venant à la fois des élèves et de l'enseignant, excellent moyen de permettre une auto-évaluation, favorisant la motivation au travail.
Et c'est pourquoi, comme, à ma connaissance, hormis les discours officiels, reposant tous sur les mêmes présupposés erronés selon lesquels l'échec scolaire serait une maladie personnelle à soigner, il y a peu de littérature à ce sujet précis, je pense souhaitable de lancer ainsi le débat avec un appel d'offres, pour toutes les idées positives de nos collègues et amis...

Pour ma part, je persiste à penser que le seul vrai moyen de résoudre les problèmes des élèves, c'est de s'y prendre autrement en faisant la classe. Ce n'est pas à certains moments qu'on doit aider les élèves à réussir, c'est durant tout le travail de classe : supprimer les cours magistraux initiaux et faire travailler en classe les élèves en petits groupes solidaires, sur des situations-problèmes installées par le professeur pour aborder les différents aspects du programme, le professeur intervenant ensuite pour mettre au point les solutions et réponses trouvées.
Et si l'on veut remonter plus haut dans les causes des difficultés, il faudrait enfin se décider à travailler de façon démocratique, en réel partenariat "Elèves / Professeurs / Administration"... Mais, hélas, on n'y est pas vraiment...
A nous tous, on y arriverait peut-être...