Pour noyer le poisson, rien de tel que la confusion des termes et des notions : confondre autorité et autoritarisme, (Pierre Frakowiak le démontre excellemment), est un bon moyen d'emporter l'adhésion de ceux qui ne réfléchissent guère... Et si, en plus, poisson ou chien, on l'accuse de la rage pour le noyer plus tranquillement, c'est tout béneff...
Plaisanterie.... Mais qui ne fait guère rire. Les choses sont extrêmement graves et il serait vraiment temps de réveiller les consciences et l'opinion.

L'obéissance est-elle une valeur morale ?

Certainement pas.
Obéir, c'est se soumettre et il faut, pour cela, se débarrasser de son jugement personnel.
C'est cesser d'être le roseau pensant de Pascal. C'est cesser d'être un être humain, pour entrer dans la famille des veaux, chers au grand général.
Exiger l'obéissance, c'est donc poser le principe de l'inégalité des êtres. Celui qui obéit doit le faire parce qu'il est inférieur. Et celui qui commande n'est pas seulement hiérachiquement supérieur, il l'est dans sa nature même.
Elle est là, la perversité du raisonnement et la cause des dérapages qui s'ensuivent.
On retrouve ainsi une autre confusion grave, celle qui amalgame personne et fonction.
C'est la fonction qui implique des comportements sociaux précis, des comportements que l'on pourrait qualifier de respectueux. Mais qui n'entraînent pas forcément le respect de la personne.
Cette confusion, on l'entend souvent et on la retrouve notamment chez ceux, nombreux, qui affirment, par exemple, que le respect est dû aux professeurs parce que ce sont des professeurs.
Bien sûr que non ! On doit avoir, à leur égard, comme à celui de tout supérieur hiérarchique, des comportements dits respectueux, — surtout par prudence, du reste, les événements actuels le prouvent ! —, mais le respect, lui, ne saurait être obligatoire. Il s'éprouve ou il ne s'éprouve pas (et on n'y peut rien !).
En fait, il se mérite et repose sur l'intelligence. Ce sont les qualités que révèlent propos et actions d'une personne qui m'inspirent à son égard respect ou non, pas sa fonction.

Enseigner l'obéissance, c'est en fait le contraire de l'éducation.
Eduquer, c'est ouvrir la voie de l'autonomie, du libre arbitre, de l'intelligence donc. C'est apprendre à ne pas avaler n'importe quelle couleuvre, parce qu'elle est offerte par un puissant, ou un qui est au-dessus socialement (ce qui ne veut jamais dire automatiquement qu'il le soit au plan moral).
C'est enseigner le doute, le vrai doute positif que Spinoza a si bien analysé, celui qui conduit à différer son jugement premier, à aller plus loin dans la collecte d'indices pour l'interprétation, le doute de la rigueur scientifique, le doute de l'honnêteté. (à propos, allez donc voir l'excellent numéro spécial du Nouvel Obs sur ce grand bonhomme !).
Eduquer moralement, c'est permettre aux enfants de comprendre que les êtres sont égaux en droit et que le droit de contester est un droit sacré.
Pour cela, il convient d'abord d'être celui qui donne l'exemple, l'exemple du courage, de l'ouverture aux autres, de la méfiance des idées toutes faites, de la différance du jugement, comme disait J. Derrida en s'amusant de l'orthographe, enseigner la différance du jugement, pour admettre la différence des êtres, à la fois différents et égaux.
C'est aussi faire découvrir ce qu'est l'autorité, la vraie, celle de la solidité bienveillante, de la responsabilité, et de la supériorité que confère la culture — attention : pas n'importe quelle culture, acquise n'importe comment, par transmission directe, à coups de cours magistraux : la culture d'ouverture de l'esprit, née d'activités de comparaisons, d'analyse, de réflexion, pas celle des savoirs tout faits appris par cœur...
(Vous avez remarqué que le verbe "réfléchir" est absent des programmes du primaire ?).
L'autorité qui fait peur est immorale. Ce n'est pas de l'autorité, c'est de l'abus de pouvoir.
La véritable autorité inspire d'elle-même respect et admiration. Nul besoin de sévir. Contrairement à ce que martèlent nos gouvernants, la sanction n'a jamais été une preuve de fermeté. C'est toujours une preuve de faiblesse chez celui qui sanctionne : si l'on se croit obligé de punir, (et ça nous arrive souvent !) c'est qu'on manque d'autorité. Et, si l'on est tant soit peu de bonne foi, l'on est bien obligé d'en convenir quand on analyse ses propres comportements, face à ses enfants ou aux élèves.

Donc, une école dont l'objectif est de "faire obéir les élèves", a comme objectif véritable d'installer une société où la population apeurée a appris à se soumettre, sans contester...la population résignée des pays de dictature
La mort de toute démocratie.
Si on laisse faire, c'est ce qui nous attend.
A nous de voir : la balle est dans notre camp... pour quelque temps encore.