Pour BGT, en effet, losque je dis :
"De fait, les travaux qui ont été menés alors ont permis de mettre en évidence la responsabilité écrasante de la méthode d'enseignement — ou plutôt de ses contenus — et d'établir clairement qu'un enseignement qui commence par le déchiffrage pour continuer par la compréhension (surtout quand, en plus, aucune précision n'est donnée sur ce qu'il convient d'entendre par le mot : "compréhension") fabrique de l'illettrisme à tour de bras."
je me servirais des résultats d'une pratique d'enseignement pour la condamner, ce qui serait une contradiction évidente avec ce que j'affirme par ailleurs.
Comme je le lui ai fait courtoisement remarquer, on observe dans cette affirmation un léger glissement d'interprétation.
Mon affirmation n'est point ici le fait d'une mise en relation directe de la pratique avec un résultat, mais de la théorisation des résultats observés.
Devant une difficulté de compréhension d'un élève, par exemple qui s'est révélé incapable de tirer des informations nécessaires d'un texte écrit, un énoncé de problème, ou un courrier demandant un service, (et non dans celle de lire à haute voix, qui est un tout autre type de diffculté, n'ayant rien à voir avec la lecture), nous avons cherché à comprendre l'origine de son comportement en le mettant en relation avec les habitudes acquises au CP.

Nous avons pu mettre ainsi en évidence que l'une des causes de l'impossibilité où étaient ces enfants de trouver, par exemple, la solution d'un problème en mathématiques (on sait que les enfants qui n'arrivent pas à résoudre un problème de maths, sont même souvent incapables de voir déjà ce qu'il y a à faire), venait de leur impossibilité à mettre en relation des informations placées à des endroits différents du texte.
Notre hypothèse fut alors que l'habitude de lire linéairement, en cherchant à comprendre au fur et à mesure, qui est le comportemetn induit par la pratique d'une méthode syllabique, constituait logiquement un obstacle au comportement efficace de lecteur. Un lecteur performant ne commence jamais sa lecture en haut à gauche, pour finir en bas à droite : il commence par le péritexte, et, quand il aborde la lecture fine, il cherche à mettre en relation les informations qui se complètent.
Ce que disent les recherches fondamentales (notamment en éducation physique) sur la différence qui sépare un "mécanisme" d'un "automatisme", nous a ainsi permis de comprendre le mal que peut faire la mise en place d'un mécanisme en lecture, activité qui n'a rien de mécanique et qui repose entièrement sur le raisonnement.
On peut raisonnablement formuler l'hypothèse que le raisonnement n'étant pas une activité innée chez l'individu, il doit être nécessaire d'en développer la pratique le plus tôt possible chez les enfants et, surtout, d'éviter de leur faire croire que les choses se font mécaniquement...
L'hypothèse d'action pédagogique qui en a découlé est que, dès le tout début des apprentissages premiers, dès l'école maternelle, il faudrait habituer les enfants à explorer les écrits en entier, pour formuler des hypothèses sur ce que cet écrit a l'air de signifier, chercher qui l'a écrit et pourquoi, pour ensuite pratiquer une lecture linéaire qui ne devrait arriver qu'en second, lecture linéaire dont la fonction est de valider ou infirmer les hypothèses de départ.

Cela signifie faire de la lecture une activité de l'intelligence, et non une technique à appliquer.
Cette pratique ayant, de plus, l'avantage d'être un moyen de mettre en place la démarche scientifique, celle du doute "méthodique" (le doute cher à Descartes, celui qui diffère les conclusions des constats immédiats, et invite à rechercher d'autres indices), dont on sait qu'il est loin d'être naturel à chacun d'entre nous, et dont on aurait pourtant besoin dans presque tous les domaines de l'action sociale et personnelle.
Où l'on voit une fois de plus que la formation morale s'effectue, non dans des leçons de morale, mais dans la manière de concevoir les contenus d'enseignement scolaire